Déployés

Employés de bar, employés de l’armée, employés de bowling ou encore employés de centre hospitalier… Ils officiaient toutes et tous bon gré malgré, avec cette particularité commune et néfaste : ils s’étaient oubliés.

Étymologiquement, « employé » vient du latin « implicare », signifiant « plier dans » ou encore « entortiller dans, emmêler », pour de plus en plus s’amalgamer actuellement dans la vie courante, à la conjugaison des verbes ennuyer, bassiner, incommoder, enquiquiner, agacer, désobliger, soûler, contrarier, offenser, emmerder, excéder, accabler et en définitive empoisonner. L’intoxication peut être durable et particulièrement dommageable en fonction du contrat, dont la durée indéterminée peut parfois engendrer d’irréversibles séquelles pour les concernés. Le graal de la sécurité peut alors s’avérer d’une extrême dangerosité, en fonction de leur propension à la peur de l’avenir et d’autant plus s’il ont fait l’erreur de se reproduire. Ainsi vont-ils rester accrochés vaille que vaille à ce CDI, jusqu’à ce que le système d’exploitation se mette à « buguer » en proposant à tous les employés d’être eux-mêmes numérisés, jusqu’à la tentative d’empoisonnement de trop, jusqu’à ce que l’Univers leur envoie la crise politique salutaire, ce miracle du contrôle social inepte à la sauce sanitaire. C’est alors qu’effarés par les concombres masqués et autres épidémies de stupidité, ils se sont réveillés lorsque la médecine vétérinaire s’est soudainement insinuée dans l’entreprise.

Pendant que des dizaines de milliers de non injectés se faisaient brutalement éjecter sans raison tangible, le cheptel abruti se gargarisait de ses droits octroyés par le berger Pfizer, noyé par la solution conformiste qui se répandait dans sa chair collectiviste et désormais sans âme. Sans aucune marque de compassion pour les suspendus qui se balançaient tristement au fil de l’ingratitude et du rejet, les piquousés souriaient niaisement en sirotant le virus de la pseudo-liberté, fiers de pouvoir échapper à la ségrégation et tristement coupés de leurs propres émotions. L’essence même de l’humanité devenait secondaire, dans une confusion sordide entre les mots pervers et solidaire. Mais à la marge, altérité et fraternité grandissaient, soulageant les indignés mis au ban de la société, décuplant leurs capacités à se renouveler pour évoluer. Et dans un sursaut global entre affirmation de soi et soudaines prises de conscience, la préservation de l’intégrité physique devenait alors chemin vers soi. Refuser d’entrer dans l’enclos et de se laisser briser la barrière de la peau, revenait à emprunter le chemin qui mène à l’essentiel, simplement entreprendre une restauration salvatrice de l’estime de soi.

C’est à ce moment précis, à grands coups de fierté bien placée, que le véritable travail commençait à s’accomplir. Avec pour seule et unique priorité la conjugaison du verbe s’épanouir, ils allaient enfin s’attacher à devoir, puis vouloir, pour enfin pouvoir… Se déployer.