Bonjour,
Aujourd’hui, je vais poser quelques questions à Nada Abillama-Masson.
Pour vous présenter cette auteure, je vous cite quelques lignes d’une de ses lectrices. Elle avait acquis son livre « On s’en va ! Liban d’ici et d’ailleurs… »
« Votre écriture est une recherche de votre identité, de vos racines, de votre futur.
Votre style est direct, clair, on lit à vos côtés, on rentre dans le récit, on partage les émotions, les interrogations de l’enfant, de l’adolescente, les souffrances. »
Pour tout vous avouer, je l’avais rencontrée lors d’un salon du livre où les auteurs étaient plus nombreux que les visiteurs. Cela arrive parfois.
Alain Maufinet : Voici le moment des questions Nada ? Certains de ceux qui nous liront ne vous connaissent pas, d’autres désireront mieux vous connaître. Que pouvez-vous nous confier pour vous présenter ?
Une part de moi est confiée dans mes écrits à travers une écriture spontanée, réfléchie parce que je n’écris pas n’importe quoi, et je ne confie pas tout, mais spontanée dans le sens où ça jaillit puis ça déroule tout seul. Je suis souvent très étonnée du résultat : c’est la plume qui me guide puis je prends la main et je joue avec les mots, je les cherche et les fais danser jusqu’à trouver la chorégraphie qui me correspond. Au final, je me découvre et me surprends à travers mon écriture, et j’aime beaucoup cela.
Alain Maufinet : Pouvez-vous nous dévoiler vos écrits et dire quelques mots de celui (où de ceux) qui a (où ont) votre préférence et pourquoi ?
J’ai un livre et beaucoup d’articles professionnels puisque je suis formatrice en travail social. « En mal d’un chez soi. À l’écoute de la parole des jeunes de l’ASE » fait suite à une thèse en Sciences de l’Éducation où je rends compte de la parole des jeunes placés en Institution. Il était important que cette parole ne dorme pas dans les bibliothèques des universités mais qu’elle soit diffusée et entendue.
« On s’en va ! Liban d’ici et d’ailleurs » est un récit autobiographique puisque née au Liban, j’arrive en France à l’âge de 25 ans, après avoir connu plusieurs années de va-et-vient entre Le Liban, l’Algérie et la France du fait de la guerre. J’avais 13 ans quand j’ai dû partir pour la première fois en catastrophe, et le récit démarre là-dessus. Il raconte l’exil, l’ailleurs et la quête d’un chez soi, la double appartenance et identité avec, bien sûr, le Liban en toile de fond.
Finalement ces 2 livres ont des thématiques communes puisque je considère le placement des enfants comme un exil.
J’ai également beaucoup de textes, pour certains publiés, pour d’autres en attente de trouver leur place, inconnue pour l’instant ; un manuscrit est en cours …
Un mot, une image, une idée peut lancer ma plume : des textes souvent courts. Je puise dans ce que je vis et ressens et les images arrivent. La forme et la force de mon écriture vont beaucoup dépendre de la charge émotionnelle que provoque le sujet traité.
Aucun n’a ma préférence puisque chaque texte raconte son contenu, différent à chaque fois, mais mon écriture évolue et devient plus incisive.
Alain Maufinet : Pourquoi avez-vous choisi d’écrire ? De vous livrer puisque l’on puise toujours dans sa bibliothèque intérieure pour créer.
Je n’ai pas vraiment choisi d’écrire, elle s’est imposée à moi. En revanche, je choisis de poursuivre et aujourd’hui je ne peux plus m’en passer.
Ma rencontre avec l’écriture fut fortuite. Jamais je n’aurais pensé un jour écrire, encore moins publier. J’ai beaucoup de mal à me reconnaître écrivaine.
J’étais inscrite dans des ateliers d’écriture et l’animatrice étant dans le même secteur d’activités que le mien, je pensais qu’il s’agirait d’améliorer mes écrits professionnels. Grosse erreur … Les textes s’empilaient au fil des mois et des années et un jour, j’ose les montrer à un ami écrivain. Je me suis sentie dès lors légitimée par ses encouragements à poursuivre et je ne compte pas m’arrêter.
Alain Maufinet : Comment choisissez-vous le thème d’un livre ? Vous puisez dans votre passé ? Vous vous inspirez d’un évènement ? Vous vous laissez guider par votre imagination ?
Au démarrage, j’écrivais beaucoup sur toutes ces années d’exil et j’ai compris avec le temps que l’écriture était une manière de me poser, de m’enraciner. N’aimant pas le blanc qui m’évoque le vide, l’écriture me permet de noircir les feuilles blanches et de laisser une trace. Avec ce premier livre, c’est également une manière de transmettre à mes enfants une part de ma vie d’avant mon arrivée en France, de parler de ce pays qui est le mien même s’ils le connaissent pour y avoir été. Le livre publié, son contenu est devenu partageable, ne m’appartenant plus exclusivement.
Écrire ce premier récit a eu un effet thérapeutique et j’ai pu passer à autre chose, à écrire sur d’autres sujets, même si la thématique de l’exil reste au cœur de mon intérêt.
Alain Maufinet : Comment appréhendez-vous le moment où vous devez présenter vos ouvrages lors d’une de vos dédicaces ?
Je pense me mettre dans une posture paradoxale. J’ai envie que mes écrits soient connus, essentiellement dans une démarche de transmission. Je pense ne pas savoir en parler, stoppée dans ma spontanéité liée au fait de participer à une vente.
Alain Maufinet : Quel est le livre que vous auriez aimé écrire ?
Pourquoi cette question au passé ? Je ne sais jamais vraiment à l’avance ce que je vais écrire, ni la forme que prendra l’écriture qui, pour moi, est une création. J’ai quelques idées, des projets. Certains murissent. D’autres se préparent. J’écris quand j’ai le temps, quand je le sens, quand ma tête n’est pas très encombrée par la lourdeur d’un quotidien fastidieux (je travaille toujours et j’ai des charges familiales importantes), quand ça s’impose et qu’il me faut d’urgence un papier ou un crayon ou, à défaut, mon téléphone. Je pianote alors mon texte sur un rythme intensif.
Il y a bien un livre qui me tient très à cœur, un peu compliqué à faire aboutir pour l’instant. J’espère que votre question ne sera alors jamais posée. Il concerne une personne qui m’est très chère. Je souhaite qu’elle témoigne de son parcours de vie et je ne peux pas écrire sa biographie sans elle qui doit se raconter. Nous avions commencé mais des circonstances ont, pour l’instant, tout fait stopper.
Sinon, si vous pensez à un livre d’un autre auteur que j’ai beaucoup aimé, j’ai vraiment beaucoup de mal à y répondre parce qu’ils sont nombreux. Ils constituent des morceaux d’un gigantesque puzzle qui ne cessera de s’agrandir. Là, me vient en mémoire Histoire d’une vie d’Aharon Appelfeld, Ainsi résonne l’écho infini des montagnes de Khaled Hosseini, ou encore Ce que le jour doit à la nuit de Yasmina Khadra.
Alain Maufinet : Choisissez quelques mots pour définir l’auteure que vous êtes.
Exercice bien difficile que de se définir. Je dirais que je suis une personne qui sait bien se cacher et se débrouiller pour passer inaperçue. Quant à mon écriture, elle ne peut rentrer et correspondre à aucune norme. D’ailleurs, il suffirait que l’on me dise comment je dois écrire pour carrément ne plus savoir le faire.
Ma liberté d’écriture est mon souffle que j’acquiert et m’autorise peu à peu, de plus en plus. J’accueille les mots et les formes qui viennent à moi et je me laisse guider par eux.
J’aime ce mot « H. Auteure ». L’écriture me permet cette hauteur et ce chemin-là.
Alain Maufinet : Je vous remercie de m’avoir accordé un peu de temps pour vous présenter. Ceux qui ne vous connaissent pas doivent désormais vous lire.