La déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 4/6

L’article 3

 « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. »

L’article attribue la souveraineté à la Nation, et il s’inspire des thèmes des revendications des parlements régionaux, portées ici principalement par le Club des Jacobins. Autre source reconnue dans sa rédaction,  « Qu’est-ce que le Tiers-État ? » le pamphlet de l’abbé Sieyès publié en janvier 1789 et qui fit « grand bruit », en abordant pour l’époque des thèmes polémiques comme « La nation ou le principe de légitimité politique » et « L’exclusion de la noblesse » ou encore « Le fondement du constitutionnalisme ».  L’article 3 propose donc de confier la souveraineté à la Nation, entité abstraite et distincte de la personne physique qui la dirige. Cette dernière notion aura fait malgré tout son chemin depuis, sous différents régimes. Quoique peu d’hommes d’État semblent avoir compris cette idée et oublient qu’ils sont au service de la population qui les a portés au pouvoir. La notion de chef d’État devrait être comprise au sens « représente l’état, le visage de l’état », non au sens premier.

N’oublions que 16 régimes politiques  nous séparent de la naissance de ce texte. Même si depuis la seconde moitié du XXe siècle, la majorité présidentielle et le président lui-même passent largement outre l’article. Pour nombres d’observateurs politiques, la constitution de 1958 de la Ve république du général de Gaulle était taillée sur mesure pour le personnage et s’avère difficile à porter pour ses successeurs. Elle peut aussi s’avérer dangereuse constitutionnellement et faire basculer la nation dans l’étatisme, puisque le président et sa majorité dépendante disposent d’un arsenal législatif  et exécutif sans détour, et qui en conséquence, leur donne toute latitude d’agir par convictions. (Voir La mouche et le marteau piqueur, M. Benassy,  La liberté assassinée, T. Andrieux et Non, l’état ne nous protège pas, S.Wapler,   trois pamphlets de la collection Uppercut, JDH éditions 2021/2022). Ensuite, de nos jours, surtout grâce à un phénomène de médiatisation amplifiée par le jeu politique de la guerre l’image, par la  « peopolisation » outrancière des personnages gouvernementaux, le président devient roi, vie comme un roi, parle comme un roi et se déplace comme un roi. Les mots cortèges, palais, jardins ou encore « entourage » sont revenus au vocabulaire courant.  C’est le constat. La première dame est une reine, dévouée au « bon peuple » par ses actions caritatives ou ses prises de position sur l’enfance et les droits des citoyennes et les « ténors » de la république, sont redevenus des princes. En tout ceci, nous l’avons vécu récemment, l’arbitraire ne met pas longtemps à retrouver sa place. Pour mémoire, depuis 1789, la France a connu tous les régimes politiques ci-dessous et l’article 3, entre autres, en a parfois souffert :

  • Monarchie absolue du 14 mai 1610 au 14 septembre 1791
  • Assemblée nationale constituante de 1789–1791
  • Monarchie constitutionnelle du 14 septembre 1791 au 21 septembre 1792
  • Première République du 21 septembre 1792 au 18 mai 1804
  • Premier Empire du 18 mai 1804 au 4 avril 1814
  • Première Restauration du 6 avril 1814 au 20 mars 1815
  • Monarchie impériale des Cent-Jours du 20 mars 1815 au 7 juillet 1815
  • Monarchie constitutionnelle de la Seconde Restauration du 8 juillet 1815 au 2 août 1830
  • Monarchie constitutionnelle Monarchie de juillet du 9 août 1830 au 24 février 1848
  • Deuxième République du 24 février 1848 au 2 décembre 1852
  • Monarchie impériale du Second Empire du 2 décembre 1852 au 4 septembre 1870
  • Troisième République du 4 septembre 1870 au 10 juillet 1940
  • Régime de Vichy (Dictature pluraliste) 1940–1944
  • Gouvernement provisoire de la République française du 3 juin 1944 au 27 octobre 1946
  • Quatrième République du 27 octobre 1946 au 4 octobre 1958. Régime parlementaire
  • Cinquième République depuis le 4 octobre 1958 jusqu’à nos jours. Régime semi-présidentiel.