Devant ce corps devenu caricature
de ce qu’il était
lentement de sa main tremblante
Blanche se dévêt
son ventre de jeune fille
autrefois bombé
maintenant couvert de vergetures
et de lignes étrangères
ses cuisses autrefois juste grasses
se lamentent de lambeaux de chair
superflus
ses seins gorgés de lait pour ses enfants
sont aujourd’hui une longue continuité
descendant vers cette nouvelle taille
trop épaissie
ses hanches déjà larges pour l’enfantement
ont pris l’allure d’un paquebot gigantesque
ses pieds déformés par tant de pas dans la nuit
pour répondre à l’appel des uns et des autres
se chaussent de sandales démodées
son nombril devenu un puits profond
si on s’y plongeait
on ne reviendrait pas ce cet abîme
elle ne se regarde plus dans le miroir
mais s’imagine
ses mains couvertes de taches
de vieillesse
ses doigts un peu enflés
qui ont tricoté tant bien que mal
toutes les mailles de sa vie
en échappant quelques-unes
pour survivre
et ses poignets toujours aussi fins
malgré qu’ils aient porté
tant de chagrins
son cou un peu grossi
toujours droit
son dos parfois courbé
par la détresse
tient le chemin
tous ses organes à la retraite
depuis de longues années
cachés sous des sous-vêtements
jaunis
et son visage
oui son visage
qui malgré les années
n’a pas perdu une once
de tendresse
et ses yeux
oui ses yeux
où on y lit toujours
l’amour
c’est Blanche
à tous les temps