Présence muette

1.

Ça y est, tu es partie.

Pour quelques mois. Loin. Au bout du monde.

Seront-ils courts ? Seront-ils longs ?

Pendant ce temps, je n’entendrai plus les clés jetées sur le plateau de l’entrée.

Le débit d’eau sous la douche connaîtra un répit.

Tes vêtements épars sont rangés.

L’image de ta tête émergeant de cette grande chaise de travail quand je te cherchais me fait sourire.

J’attendrai d’avoir à te demander l’heure de ton retour pour savoir si nous dînons ensemble ou pas.

Je suis rentrée ce soir-là, entendue le silence de ton absence et pris la mesure de ce départ qui vient figurer un nouveau chemin, pour toi, pour moi, pour nous.

Tu es partie, loin.

Alors vite, pour ne pas laisser le calme s’installer à son aise, je pars aussi, mais nettement moins loin, le temps d’une brève parenthèse. Quand tu seras arrivée à destination, je serai de retour chez moi, chez nous.

J’apprendrai à apprivoiser ta présence muette pour faire de chacune de nos retrouvailles une nouvelle rencontre.

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2.

Le box est maintenant trop grand pour seulement la voiture.

Ta moto a pris la route, te conduisant vers de nouveaux horizons.

Tu m’as rendu clefs et bips. Ils seront toujours là. Tu les trouveras à leur place.
Garde précisément ceux de l’appartement. Je saurai que c’est toi.

Je peux maintenant me garer à ma guise. Plus besoin de tous ces créneaux pour coller ma bécane le plus possible contre le mur et permettre à la tienne d’entrer et de sortir aisément.

Plus besoin non plus de les reprendre systématiquement derrière moi parce que, malgré toute ma bonne volonté et ma pugnacité, c’était peine perdue.

Les murs du sous-sol ne trembleront plus au vrombissement assourdissant de ton pot d’échappement.

Ta combinaison est restée accrochée au cintre. Vraiment pas besoin d’elle pour sentir ta présence. Mais la voir là … je souris, émue.

Chacune de tes visites renforcera ce qui nous lie déjà.

Mon fils …

Des fils de vie et de tendresse