Et voici une interview de Maryssa Rachel, auteure de « J’ai tangué sur ma vie »
Quel est le sujet principal de « j’ai tangué sur ma vie » ?
L’alcool, l’hypocrisie sociétale, la dégringolade d’un homme, la vie dans les années 1970 à 2000… « J’ai tangué sur ma vie » c’est l’histoire de Dédé, un pauvre homme que la vie n’a pas épargné. C’est l’histoire des copains de PMU, des murges, des histoires de vomis, de chiasse de lendemain de cuite, l’histoire d’une séparation, d’un divorce, d’un licenciement…puis, il y a les agressions, l’hôpital psychiatrique, l’opération de la tête, les pertes de mémoires…
Pourquoi avoir écrit ce livre ?
Mon père est mort il y a plus de quinze ans, à cause de l’alcool… je n’écris pas ça pour faire pleurer dans les chaumières… J’ai décidé d’être transparente. Mon père était alcoolique maniaco-dépressif, un truc dans le genre…
Mon père me promettait toujours qu’il allait arrêter de boire…mais…
J’avais 8 ans… je l’ai retrouvé dans la cave, le goulot à la bouche, la main dans le sac…
Puis, il a pris les médicaments, prescrits à l’époque par le médecin. Il faisait des crises d’angoisses suivies d’une sorte de dépression.
Il devenait gros, le père, disons plutôt bouffi- mais certainement pas d’orgueil… le traitement de choc, médocs/alcool, ça rend moche…
Il devenait sale aussi…mais jamais méchant, jamais…
Puis, il est tombé dans le coma… il s’est fait opérer de la tête… Il ne se rappelait pas grand-chose…
Quand j’étais gamine, avec ma mère, on lui rendait visite chez les dingues…Univers oppressant, angoissant, terrifiant pour une enfant de 9 ans…Voir tous ces gens qui n’en étaient plus, tous ces zombies errants ; alcool, drogue, dépression… Je peux assurer que ça marque l’esprit…
J’ai détesté mon père à la hauteur de mon amour pour lui…fallait voir à quel point je l’ai aimé, mon père…alors faut voir, à quel point je l’ai détesté.
Il était bon au début, avant l’alcool… mon père… Je me souviens qu’il me fabriquait des costumes, des tableaux noirs, il me racontait des histoires le soir…
À l’époque je n’savais pas que tout ça me servirait un jour…
Le voir rentrer en titubant à la baraque, incapable de manger une soupe de pâtes, sans en foutre de partout ; l’odeur de l’alcool, les pleurs, les cris… puis l’hôpital… puis mon éloignement…
Je n’ai plus voulu le voir jusqu’à une semaine avant sa mort…je me suis pointée chez lui, comme ça…j’sais pas pourquoi…et hop, une semaine plus tard, il n’était plus là …
Il y a plus de quinze ans…
Si j’avais eu un livre comme « j’ai tangué sur ma vie » entre les mains, ça m’aurait évité de haïr mon père durant toutes ces années. Peut-être l’aurais-je même compris…En tout cas j’aurais compris que l’alcool c’est une putain de gangrène qui dévore de l’intérieur, et que même avec toute la bonne volonté du monde, lorsqu’on est imbibé, on a beau nous étreindre et nous laisser sécher au soleil, rien à faire…
« J’ai tangué sur ma vie » c’est mon livre « pardon d’avoir été aussi conne », mon livre « je t’aime papa »..
Qui sont les personnages :
Dédé, né André, loin d’être un clochard céleste à la Bukowski…
Dédé lui, outre le fait qu’en grande partie il s’agisse de l’histoire de mon père comme « susmentionné », Dédé, ça pourrait être Christophe le barman dépressif, qui a dû arrêter son boulot car il n’arrivait plus à se lever le matin ;
Dédé, ça pourrait être Michel, l’assureur, en burn-out…
Dédé, ça pourrait être aussi le pote qu’on voit sombrer sans rien pouvoir faire…
Dédé c’est un peu tous ces alcooliques qui marchent clopin-clopant, à la recherche d’un temps qui n’existe pas…
Puis y a un autre personnage, Françoise, la femme qui n’aime mais qui va se marier, parce qu’elle a un polichinelle dans le tiroir…après tout, en 1975… ça se passait encore comme ça…Elle est pas méchante Françoise, elle n’est pas soumise non plus, c’est Françoise…
Puis y a les gosses, Magali et Ludo…
Puis il y a la mère castratrice,
Le père en train de crever,
Les frangins…
Puis y a les potes du bistrot…
Puis y a le boulot, oppressant… l’usine ce n’est pas bandant…
L’endroit ?
Y a pas d’endroit… ah, si pardon… y a le « achélème », mais y a pas de nom de ville, car l’histoire de Dédé peut se passer n’importe où en fait… y a un lotissement aussi, puis les bars, puis l’hôpital psychiatrique… Puis il y a les odeurs…l’odeur des planques à clodos, odeur de pipi, de vomis, de parfum bon marché, d’after-shave, odeur de cigarette aussi, de cendrier froid, de cacahètes, de Pmu en fait…
La musique…
Ouais c’est important la musique, c’est important pour le rythme… poupoum poupoum…
La musique, rythme chaque début de chapitre…Renaud, George Thorogood, Deep Purple, The Who, Boris Vian, Souchon, ACDC, pour ne citer qu’eux…D’ailleurs j’ai fait une playlist sur youtube- sur ma chaine « Maryssa RACHEL ».
https://www.youtube.com/channel/UCvWNmFQaBtnvAL62nSF62UQ
L’alcool, parlons-en deux minutes de l’alcool…
Oui, je vais parler chiffres…
Plus de 41000 personnes meurent chaque année à cause de l’alcool. En 2020 et 2021, ils seront encore plus nombreux, c’est certain…
L’alcoolisme c’est la maladie de la honte, celle qui détruit les familles, celle dont il faut taire le nom.
Elle est sournoise et peu s’immiscer rapidement dans la vie de n’importe qui.
L’alcoolisme n’est pas une preuve de lâcheté,
L’alcoolisme n’est pas un manque de volonté, et pourtant durant des années j’ai pensé que « n’importe qui » était capable de s’en sortir.
L’amour ne suffit pas à guérir tous les maux…Tout est vrai, sauf ce qui est faux…
Combien de temps pour écrire ce roman ?
On s’en fout du temps qu’on met à écrire un roman, non ? ok…
Je dirais un an, dès que j’ai eu le déclic d’écrire sur l’alcoolisme…
Et si je vais plus en profondeur, je dirais que…ça fait 36 ans…
JDH EDITIONS
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