Jean-David Haddad interviewe Hector Marino, peintre et judoka, auteur de « Dripping sur Tatami », dans la collection « NOUVELLES PAGES » de JDH EDITIONS.
JDH : Bonjour Hector. Parmi nos livres publiés récemment, il y a ton roman « Dripping sur tatami ». Un long roman (près de 400 pages) dans la collection « Nouvelles Pages », à un prix très accessible (moins de 20€). On comprend certainement qu’il y a du judo… on comprend peut-être que ça parle d’art aussi… Le dripping étant une technique de peinture très particulière. Peux-tu nous en dire plus ?
HM : Bonjour Jean-David. Effectivement la trame de mon roman oscille entre judo, dans l’esprit de sa pratique mais également dans son plus haut niveau, et le monde de l’art, l’abstrait. Je vous remercie, le directeur littéraire Yoann Laurent Rouault et toi, à cette occasion, pour la suggestion de son titre, reflétant parfaitement le narratif de l’histoire. J’en profite également pour remercier Yoann de sa formidable préface, lui qui connait si bien le monde de l’art et aussi celui du sport de combat. Le dripping est le mouvement artistique lancé par Jackson Pollock, qui a révolutionné l’art abstrait avec sa technique de coulées et de projections de peinture sur les toiles posées à même le sol. Nous retrouvons cette notion de peinture projetée dans mon récit, mais sur des tatamis cette fois. En effet, Hugo, le narrateur, est un professeur de judo qui un jour décide brusquement de fermer son dojo, pour se consacrer corps et âme à son autre passion, la peinture. Du jour au lendemain, sa salle est métamorphosée en immense atelier artistique et les tatamis sont très vite constellés de tâches de peinture multicolores, victimes de sa fureur créatrice. En quelques semaines, il réalise que le praticable, initialement consacré à la pratique du judo, s’est transformé en un gigantesque tableau abstrait, composé de coulures, de projections accidentelles qu’il compare à une fresque monumentale qu’aurait pu réaliser Pollock lui-même, bien que celui-ci ait toujours refusé la notion d’accident dans son travail.
JDH : Ce roman est une fresque. Il commence quand et se termine quand ?
HM : Oui effectivement, j’ai eu l’ambition de traiter dans mon roman bien de sujets universels, en marge des seuls milieux artistiques et sportifs. L’amitié, l’amour, la trahison… et bien d’autres thèmes liés aux complexités de l’être. Je situe le début de l’histoire en 1962 et elle se termine en 2020, pendant les Jeux Olympiques de Tokyo. Ayant terminé mon roman durant l’été 2019, la fin de celui-ci se déroulait dans une certaine forme d’anticipation et je n’avais pas prédit la crise sanitaire qui allait reporter cet événement mondial à l’été 2021… peut-être seront-ils définitivement annulés, comment pourrait-on le savoir aujourd’hui dans l’étrange période que nous vivons ? Mais s’ils sont maintenus, l’ironie du sort voudrait qu’ils soient intitulés «JEUX OLYMPIQUES 2020 », bien qu’ils se dérouleraient finalement en 2021… de toutes façons une des magies de la forme romanesque est cette liberté de pouvoir se détacher de la réalité.
JDH : Il se déroule entre autres dans la région de Marseille, mais encore ?
HM : Le début de l’histoire se situe à Alger, durant le rapatriement massif des Français d’Algérie vers la France métropolitaine. Hugo et son père se retrouvent ainsi à Marseille puis, quelques années plus tard dans la petite ville balnéaire de Bandol… ensuite le récit emmènera les lecteurs aux quatre coins du monde, partout en Europe mais aussi au Japon, au Brésil, au Canada et en Russie entre autres… dans les traces d’un Hugo entraîné dans ses péripéties liées à ses activités artistiques mais surtout de coach sportif. J’ai personnellement visité tous les lieux évoqués dans mon texte, où je m’y étais rendu dans le cadre sportif, soit en tant qu’athlète soit en tant qu’entraîneur… tous sauf l’Algérie où j’avoue n’y avoir jamais mis les pieds. Mais il me semblait important de traiter les sujets, encore brûlants aujourd’hui pour beaucoup, de ce que l’on nomme maintenant la guerre d’Algérie et des relations Franco-algériennes après son indépendance. Il m’a fallu enquêter et me documenter sur cette période de l’histoire que je maîtrisais bien mal. Mais un ami, Jean-Pierre Durand Gaillard, récemment décédé hélas, m’a beaucoup aidé dans mes recherches. Il avait vécu l’exode alors qu’il était adulte et ses témoignages et explications m’ont été précieux. Merci encore mon Jean-Pierre !
JDH : Tu es judoka… Tu es peintre… Quelle est la part d’autobiographie ? Je présume que ce n’est pas ton histoire car en 1962, tu n’étais probablement pas né !
HM : Si, j’étais né, puisque je suis né trois ans auparavant, en Espagne, en 1959. Hugo, le personnage principal, a sept ans en 1962. Il est vrai que l’histoire pourrait sembler se révéler être assez autobiographique dans la mesure où je traite principalement des deux sujets que je pense maîtriser : le judo de haut niveau et la peinture. Le judo, car après une carrière internationale dans ma jeunesse, et l’obtention de mon diplôme de professeur d’EPS, j’ai été durant 24 ans l’entraîneur du Pôle France Marseille. La peinture, car elle est maintenant mon activité principale après avoir démissionné de mon poste en 2006. Mais, mon livre est bien un roman, et je raconte une histoire issue de mon imaginaire. Durant la phase d’écriture, j’eus même parfois l’étrange impression de ne plus maîtriser mon histoire, la sensation que le récit avançait tout seul. Comme si je me contentais de décrire les scènes et les émotions qui s’étaient imposées, par elles-mêmes, dans ma tête.
JDH : Parle-nous un peu de toi. Tu es peintre et judoka. Quel style de peinture ? Quel niveau de judo ?
HM : J’ai cette impression palpable d’avoir eu deux vies. Deux vies de passions. La première, celle où je ne vivais qu’à travers le judo. Tout d’abord en tant que judoka de haut niveau, où le seul objectif était de remporter un titre olympique. Bien qu’ayant eu une honorable carrière internationale je n’ai pas été champion olympique, cela se saurait ! Puis, j’ai eu ce bonheur de pouvoir continuer cette passion encore 24 ans, mais par procuration cette fois, à travers mes élèves que je devais mener vers le plus haut niveau. Un travail éprouvant mais exaltant où les semaines sont pleinement consacrées aux entraînements, aux suivis scolaires… avec d’incessants déplacements, tous les week-ends, pour des compétitions à travers la France ou à l’étranger… sans oublier les stages durant une grande partie des vacances !
Ma vie actuelle est surtout consacrée à la peinture… depuis ce jour où j’ai été saisi par une toile de Nicolas De Staël. Je ne comprenais pas comment de simples tâches pouvaient provoquer autant d’émotions ! J’ai commencé à peindre timidement en 2000, puis cette passion est devenue dévorante, surtout après 2006, date à laquelle je tournais la page du judo de haut niveau. Première exposition personnelle en 2007, suivie de bien d’autres. Je basculais ainsi d’un monde à l’autre, et comprenais qu’on ne pouvait avancer dans la peinture sans rigueur et abnégation. Je ne crois pas en cette notion d’inspiration, injustement apprêtée aux artistes. Seul le travail et une quête d’absolu permettent d’avancer, dans l’art comme en tout autre domaine. Bien que toujours sensibilisé par l’œuvre immense de Nicolas De Staël, j’explore d’autres pistes, sans doute plus personnelles, notamment dans mes séries abstraites « Japan », sorte de retour aux sources, où je tente d’exprimer une certaine philosophie japonaise associée à la fulgurance du geste du judoka.
JDH : La couverture du livre, c’est une de tes œuvres, c’est bien ça ?
HM : Oui exactement, le visuel d’une de mes toiles de la série « Japan ».
JDH : Tes œuvres d’art se vendent dans quelle fourchette de prix ?
HM : La cotation d’un artiste dépend des ventes réelles réalisées en galeries ou en salles de ventes par un Commissaire Priseur. Je travaille depuis quelques années avec la galerie Don Carli qui me représente en France et dans les salons étrangers. La valeur actuelle de mes toiles se situe entre 500 € pour de petits formats à plus de 5000 € pour de grands formats. Mais, il m’est toujours autorisé de vendre directement lors de visites d’atelier par exemple, à des tarifs bien moindres (sans les marges légitimement appliquées par les marchands d’art).
JDH : Pratiques-tu encore le judo ?
HM : J’enseigne toujours dans mon club de Six-Fours-Les-Plages, le Dojo Cap Sicié. Ce lien avec le judo est toujours vital pour mon équilibre. Un grand plaisir pour moi de continuer à transmettre l’art et les valeurs du judo à mes jeunes élèves, même s’il n’est plus question de haut niveau.
JDH : Ton prochain livre, complètement différent je crois… Peux-tu en dire quelques mots ?
HM : J’ai beaucoup d’histoires dans mes tiroirs qu’il me plairait de développer sous forme romanesque. Mais peut-être est-il trop tôt. Je dois « digérer » mon dernière roman « DRIPPING SUR TATAMI », qui m’a demandé cinq ans de travail obsessionnel, imposé par mon ambition littéraire. À titre de comparaison, mon premier court roman édité en 2007, « Sans aucune étoile autour », avait déjà été rédigé avec la folle prétention d’en faire un roman qui ne tiendrait que par la force de son style, à l’image de Gustave Flaubert. Mais là, la tâche était bien plus dingue. Mon ambition était d’écrire une véritable histoire, qui se révélera être un pavé, avec la même exigence littéraire. Cela peut paraître prétentieux je sais, mais il faut viser la lune pour avoir une chance d’atteindre les étoiles !
Toujours est-il, je ressens le besoin de laisser « reposer » quelques temps ce dernier roman avant d’en attaquer un autre… par contre, je travaille actuellement sur un pamphlet concernant certaines dérives du judo de haut niveau, avec deux autres co-auteurs, un brillant journaliste et un grand monsieur du judo, très connu par ses titres prestigieux, mais également apprécié pour son humanisme et pour ses conceptions pédagogiques… mais sans doute serait-il bon de garder encore un peu le suspense !
JDH : Merci cher auteur sportif pour ces révélations! Nous souhaitons un grand succès à ton livre, qui fait d’ailleurs un beau démarrage!
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