A l’occasion de la sortie de son deuxième roman chez JDH EDITIONS, « Et Cetera », Denis Morin se livre dans une interview donnée à Jean-David Haddad.
JDH : Bonjour Denis Morin. Vous êtes un auteur prolifique de la maison JDH. Pouvez-vous nous rappeler la liste de ce que vous avez publié chez nous?
DM : Bonjour Jean-David Haddad. Merci de l’invitation. Je me suis joint à votre maison en 2020. Les parutions dans votre maison sont les suivantes : Rose Meredith et Et cétéra (romans dans la collection Nouvelles Pages), À l’ombre des eucalyptus (nouvelle dans le collectif Violences conjuguées), Anaïs et Constance (nouvelle dans le collectif Homo gènes), En toute impunité (nouvelle dans le collectif Cadavres écrits).
JDH : Quelques mots sur chacun de vos deux romans. Pouvez-vous les résumer en une phrase chacun?
DM : Dans Rose Meredith, on assiste à la faillite subie par une famille écossaise en 1938, alors que leur bonne bretonne hérite par son cousin de propriétés au Canada. Pour Et cétéra, une écrivaine et traductrice québécoise reçoit un courrier de France avec comme seul message ‘’Je vous aimerai toujours.’’ Il s’agit d’un roman épistolaire.
JDH : Deux livres finalement très différents ou très proches?
DM : Ils sont proches du fait que je m’intéresse à la psychologie des personnages et aux gens provenant d’horizons divers. Dans Rose Meredith, je pars de 1938 pour me rendre aux années 1990.Dans Et cétéra, on part de 2021-2022 pour retourner vers les années 1940-1960. J’aime les livres qui font voyager. Fait à noter que le premier fut terminé en mars 2020 et que le deuxième fut écrit comme une fulgurance entre avril et août 2020 avec quelques retouches par la suite. Le corps est confiné, mais surtout pas l’esprit. Dans les deux romans, j’ai des personnages qui sont originaires de pays différents. Cela donne de la couleur et peut susciter la curiosité du lectorat. Nous sommes à la fois différents et semblables.
JDH : Comme vous l’avez précisé plus haut, vous avez aussi participé à 3 collectifs. Qu’avez-vous pensé de cette expérience consistant à écrire un livre avec d’autres auteurs?
DM : Je ne suis pas du tout dans l’ego. Donc, partager un espace d’écriture et un projet, je trouve cela très stimulant. Dès la parution d’un collectif, on peut découvrir la perception des autres auteurs face à un thème imposé. En fait, notre directeur des collections me trouvait un peu ‘’fleur bleue’’ avec le premier roman. Il m’a invité à trois reprises, en me posant comme seule condition que je sorte de ma zone de confort. Mission accomplie. Je me suis bien amusé. Et je souhaite récidiver en temps opportun. De plus, cela donne une belle singularité à la maison.
JDH : Nous nous définissons comme la seule maison d’édition « communautaire ». Avez-vous ressenti cette impression de communauté en vivant le concept de livre collectif?
DM : Le livre collectif est une chorale. Un chant est proposé. Il y a différents registres vocaux qui finissent par donner un ensemble cohérent, puissant, émouvant, pertinent.
JDH : Denis, vous êtes au Canada, vous représentez un peu le début d’internationalisation que nous souhaitons donner à JDH Éditions. Comment est-il perçu, au Canada, que vous publiez chez un éditeur français?
DM : Dans les années 1980, je tentais de percer à la fois comme journaliste artistique et parolier. On me trouvait trop Français. J’ai rangé ma plume. Je me suis tu pendant de nombreuses années. La vie et ses hasards m’ont ramené vers les arts à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Là, encore, des éditeurs québécois me percevaient trop français, par mes goûts. Par conséquent, j’ai tourné mon regard vers la France. Le Québec a encore un léger complexe vis-à-vis la France. On m’envie un peu. La francophonie est mon terrain de jeu. Bien des artistes vont en France et en Europe pour déployer leurs ailes. Je crois que je serai d’abord apprécié en France avant de l’être au Québec. C’est comme ça. Je dis souvent à la blague que le Québec a comme ressources naturelles du bois, de l’électricité, des chanteuses et des écrivains.
JDH : La littérature française est-elle appréciée au Canada?
DM : Oui, elle l’est. Elle est très bien perçue. Avant les années 1990, les grandes maisons comme Gallimard, Grasset, les Éditions de Minuit, ça faisait rêver. Je crois que les prix littéraires et des écrivains charismatiques ont contribué au rayonnement de la littérature française. Moi, comme lecteur et blogueur, je lis en alternance un livre français et un livre québécois. Quant à certains écrivains québécois et acadiens, ils ont rejoint le corpus littéraire du monde entier… Pensons à Antonine Maillet, Michel Tremblay, Anne Hébert, Gabrielle Roy, Dany Laferrière, etc. Le français attire aussi des écrivains canadiens-anglais à s’exprimer dans les deux langues, si l’on songe à la femme de lettres Nancy Huston qui partage son temps à Paris entre l’écriture, les hommes de sa vie (son conjoint écrivain, leur fils) et le clavecin.
JDH : Êtes-vous citoyen canadien? De naissance ou bien naturalisé?
DM : Je me sens d’ici et d’ailleurs. J’ai plus d’affinités avec les étrangers. Mais je le suis de naissance. Mes parents sont Québécois. Par contre, en fouillant, à gauche et à droite, j’ai découvert que mes ancêtres provenaient de Bretagne, de la Vienne, de Paris, du Lancashire en Angleterre. Du sang amérindien (nation malécite) coule aussi dans mes veines. Je suis archiviste et commis de bureau en milieu religieux, bien que laïc. Pour le travail, j’ai appris l’italien. Dans mon imaginaire, je me promène entre le français, l’anglais et l’italien. Un poète italien m’a déjà approché pour traduire un recueil de poésie en français, puis je l’ai mis en contact avec une éditrice de revue vivant à Nizza (Nice en italien) de descendance italienne. J’aime les grands espaces au Québec, mais mon cœur est à Paris et à Rome. Je me suis rendu en Israël par le passé. De passage à Césarée, je pensais à Titus et Bérénice. Toujours la culture française…
JDH : Au Québec, ressentez-vous plus une influence de la culture française ou américaine?
DM : La chanteuse et violoniste Catherine Lara dit des Québécois qu’ils sont des Américains parlant français. Elle a raison. En fait, les Québécois, nous sommes des hybrides entre la culture française et la culture anglaise. Nous sommes des bons vivants comme les Français et nous avons la rigueur des Anglais. Compte tenu de l’histoire, étant passés du Régime français au Régime anglais au 18e siècle, les colons français, les métis et les autochtones ont eu à plier l’échine. Nous détestons les conflits et les interminables joutes oratoires. Nous sommes des êtres pragmatiques et pacifiques. On préfère pratiquer un sport, boire une bière ou une coupe de blanc en terrasse, jardiner, etc. Quant à moi, je préfère de loin la culture française. La langue anglaise est pratique et usuelle. L’anglais élisabéthain est ravissant, puisqu’on y sent l’influence française. La culture américaine avant les années 1970 était intéressante puisque les réalisateurs, les compositeurs, les photographes et les peintres provenaient d’un peu partout en Europe dont la Russie. Mes textes succincts (poèmes, recensions de livres) ont une concision à l’anglaise. Mes descriptions d’états d’âme dans ma prose romanesque, c’est résolument français et québécois.
JDH : Quelque chose à ajouter?
DM : Rien à déclarer… Je crois vous avoir tout dit ou presque, Jean-David.
JDH : Je vous remercie.
Commentaires récents (4)
Degré9 mai 2021 , 19 h 07 min
Belle interview Denis et belle production chez JDH dans un temps si court. Bien caractérisé aussi l’esprit canadien, à l’image des artistes tels que Félix Leclerc, Vignault, Charlebois, etc..
Bonne continuation. Thomas
Denis Morin10 mai 2021 , 0 h 44 min
Merci Thomas. Je n’ai pas dit mon dernier mot, c’est certain. En fait, un projet d’écriture en amène un autre. Cordialement, Denis
alain maufinet10 mai 2021 , 10 h 39 min
Bonjour.
Très bel échange pour mieux connaître un auteur très présent par sa plume et ses chroniques sur les réseaux.
Bravo Denis.
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