Ce n’est pas un journaliste cette fois mais une étudiante, Romane Breillout, qui a interviewé Jean-David Haddad, dans le cadre de son mémoire sur le monde de l’édition. Un mémoire où elle s’intéresse de près au concept de JDH EDITIONS qui, décidément, fait parler de lui!
Voici cette interview.
Comment est né JDH Édition ? Qu’est-ce qui vous a poussé à créer cette maison d’édition ?
J’ai créé les Éditions JDH il y a 5 ans, avant tout pour m’éditer. La création de cette maison est donc intimement liée à mon parcours personnel ; d’ailleurs elle porte mes initiales !
Je suis professeur agrégé d’économie, passionné par l’anticipation et j’écris depuis 20 ans. L’anticipation vaut dans les livres, mais vaut aussi en bourse. Depuis vingt ans je donne des recommandations pour anticiper les évolutions du cours des actions et essayer de faire les bons choix. J’ai donc écrit beaucoup de livres sur le sujet, publiés chez Lextenso, et j’ai été directeur de leur collection « 100 pages pour comprendre ».
Puis, suite à un différend, nous avons décidé de ne plus travailler ensemble. Plutôt que de perdre du temps à chercher un nouvel éditeur, j’ai préféré créer ma maison d’édition.
Au fur et à mesure, des amis m’ont demandé de les éditer, puis le nombre d’auteurs à commencer à croître. J’ai fait créer un site internet, j’ai fait se rencontrer mes auteurs lors de soirées, et ainsi est né le principe communautaire.
Aujourd’hui j’ai des associés, et demain encore plus d’associés. Notre maison calque son fonctionnement sur celle des « grandes » maisons ; il y a un directeur littéraire (qui est aussi directeur artistique), et des directeurs de collection chargés de recruter des auteurs et de gérer ces collections.
Que souhaitez-vous apporter au marché ? Aux libraires ? Aux lecteurs ? Aux auteurs ?
Au départ, je n’y ai pas vraiment pensé puisque je souhaitais simplement m’éditer. La ligne éditoriale était donc relativement libre, tout en veillant à ne pas diffamer. Puis au fur et à mesure, une ligne de pensée a commencé à se dessiner autour de la liberté : liberté d’entreprendre, liberté d’investir, liberté artistique, créative, liberté de penser, de dire, d’imaginer… Nous publions des livres sur l’économie, la finance, la littérature générale, la littérature spécialisée (polar, SF, romance…), et nous nous sommes diversifiés dans le médical, l’éducatif, l’immobilier, la photo, le sport (ce qui ne se fait pas beaucoup dans les autres maisons).
Je souhaite apporter un côté communautaire au marché, que les auteurs soient un peu comme une grande équipe. On fonctionne beaucoup par groupe WhatsApp, tout le monde se parle, se fait de la publicité, s’entre-aide… On essaye d’organiser une soirée annuelle avec nos auteurs (une cinquantaine avant la crise sanitaire, près de 200 à ce jour) pour qu’ils se rencontrent, et bien sûr, on travaille notre communauté sur les réseaux sociaux. Nous proposons régulièrement aux auteurs de travailler sur des livres collectifs aussi. Un auteur de la maison prend en charge un sujet, une équipe d’auteurs et dirige le projet. Moi-même j’ai dirigé un collectif féminin qui va faire grand bruit et va bientôt paraitre…
Depuis 2019, nous avons décidé de publier des textes tombés dans le domaine public (collection Les Atemporels) en demandant à chaque fois à l’un de nos auteurs de faire la préface du livre en question, pour donner à nos auteurs visibilité et crédibilité. Le but de cette collection est de faire des livres à prix abordables, un peu dans l’esprit de Folio ou Librio, mais avec cette spécificité d’une préface et une ligne éditoriale très large allant de Victor Hugo à Auguste Detoeuf en passant par Alan Kardec ou George Orwell. Nous avons pour le moment une trentaine de titres dans cette collection, avec pour objectif une cinquantaine d’ici la fin de l’année 2022.
Nous sommes distribués par la SODIS, en impression à la demande, et c’est Ingram/Ligthning Source qui s’occupe de nous distribuer à l’étranger (une des personnes qui travaille pour la maison s’occupe de traduire les textes de l’anglais vers le français et pour la réciproque nous faisons appel à des traducteurs extérieurs lorsque nous voulons publier un de nos livres en langue anglaise). L’impression à la demande m’a semblé être un bon compromis quand j’ai monté la maison, d’une part pour l’environnement, et d’autre part pour éviter de couler la maison à cause des retours.
Pour ce qui est des libraires, je ne cherche pas à leur apporter quoi que ce soit de particulier. Pour moi, ce sont des intermédiaires. Nous sommes présents en librairie, sur tous les catalogues, via Electre et Dilicom, et le catalogue de la SODIS, mais évidemment, leur place est comptée et les libraires n’achètent pas systématiquement nos livres. Pas plus que ceux des maisons plus importantes. Les libraires ont une place limitée et il y a 100.000 livres par an qui sortent! Nous incitons nos auteurs à essayer d’aller leur proposer leurs livres ou des événements comme des dédicaces, et bien sûr, nous passons par les ventes Internet via les plateformes (Amazon par exemple, qui représente globalement 40 à 50 % des ventes de la maison).
En fait, j’essaye d’être un intermédiaire, puisque c’est moi qui publie les textes. La maison est très présente sur les réseaux sociaux, et j’essaye de publier des textes différents, alternatifs, qui offrent une vision différente des choses. Le meilleur exemple est à venir : une réédition de textes que je souhaite publier, tombés dans le domaine public aussi, mais cette fois illustrés par un maitre-illustrateur professionnel, pour élargir la vision. Vous en entendrez parler très bientôt!
En quoi votre maison se distingue-t-elle de ses concurrents, en quoi elle s’y oppose ?
Je ne m’oppose à personne, du moins ce n’est pas ainsi que j’ai construit la maison. Je ne souhaite ressembler à personne non plus. JDH trace sa voie, à ce jour unique. Dans les années 80, l’Harmattan a révolutionné le monde de l’édition. Je souhaite arriver au même but, révolutionner le monde de l’édition… mais de manière différente, les moyens n’étant plus les mêmes.
Je pense que JDH Éditions se différencie par le côté communautaire qu’elle offre à ses auteurs et à ses lecteurs. La plupart des autres maisons ne font pas se rencontrer leurs différents auteurs, au contraire ! Or nous souhaitons justement qu’ils se connaissent et s’entre-aident dans l’écriture et la promotion. Ce qui ne nous empêche pas d’avoir 200 auteurs !
Je suis conscient qu’il est difficile de promouvoir des auteurs pas ou peu connus, c’est pourquoi nous avons nos propres médias, comme la web TV jdh.tv, ou la revue littéraire en ligne l’Édredon, que nous utilisons pour les auteurs mais aussi pour faire venir des personnes extérieures à la maison. Tout ce tapage médiatique que nous essayons de faire à notre échelle a pour vocation d’attirer d’autres médias.
Je me mets moi-même beaucoup en avant, et les auteurs participent aussi à créer différentes émissions à thèmes sur la Web TV.
Dans la rubrique « à propos » sur votre site, vous vous dites « nouvelle génération » ; Qu’entendez-vous par là ?
Tout ce dont on a parlé plus tôt ! L’impression à la demande pour l’écologie, pour éviter les retours qui pèsent trop lourd dans la trésorerie (une forme de sécurité), de créer une communauté d’auteurs et autour de la maison (l’aspect nouvelle génération est là puisque les autres maisons ne le font pas), intégrer nos propres médias, donner la parole aux jeunes aussi (notre plus jeune auteur avait 16 ans quand on l’a publié; ça c’est mon côté prof), et s’internationaliser, ce qui n’est pas très courant pour une maison de cette taille. Nous publions régulièrement des livres collectifs aussi, ce qui aide au côté communautaire.
Pour ce qui est des libraires, on se rend compte aujourd’hui que le moyen de se faire conseiller a changé, on ne fait plus forcément confiance à une personne « sachante » en entrant dans une librairie, mais à une communauté qui pointe le même ouvrage sur les réseaux sociaux. On utilise donc au maximum ce moyen pour se faire connaître.
Y a-t-il d’autres moyens d’être « nouvelle génération » selon vous ?
Bien sûr, je ne prétends pas avoir trouvé la pierre philosophale !
Connaissez-vous d’autres maisons que vous décririez comme « nouvelle génération » ?
L’Harmattan était probablement nouvelle génération dans les années 80, peut-être Edilivre dans les années 2000. Mais en 2020, en toute modestie je pense que nous sommes les seuls à pouvoir nous coller légitimement cette étiquette.
Le monde de l’édition est très poussiéreux, c’est très difficile de faire changer les choses dans ce monde. Les libraires, la presse, les distributeurs et toute la chaîne ne peut pas se changer facilement. C’est une chance car il y a beaucoup à faire pour se différencier. Mais beaucoup de couts aussi ! L’édition, surtout dans les premières années, est un business où on réinvestit tout !
Que répondez-vous à ceux qui pourraient reprocher l’utilisation du terme « nouvelle génération » pour une maison qui existe depuis plusieurs années ?
Plusieurs années ? Cela fait à peine 5 ans que JDH Editions existe et ce n’est qu’en 2019 que le concept a décollé, que j’ai embauché, pris des associés, etc.
Je trouve que c’est de la mauvaise foi, ou une manière de se réfugier dans l’incompréhension (ou le refus) du monde qui change et évolue. Les réseaux sociaux en sont un très bon exemple. Les acteurs de l’édition ont du mal à changer, et les libraires notamment, parce qu’ils ne vivent pas, ils survivent. Heureusement certains tentent de nouveaux concepts. D’ailleurs nous sommes en négociation de partenariat étroit avec un libraire « nouvelle génération ».
Mais les métiers de l’édition vont se réinventer. Vous allez voir…
Êtes-vous présent en librairie ? Autant que vous le souhaitez ?
On souhaiterait y être plus, mais pour le moment, notre présence physique en librairie repose en grande partie sur le travail et le démarchage de nos auteurs. Comme pour beaucoup d’auteurs d’ailleurs, même chez les grandes maisons. Car tous ne sont pas sur les linéaires vue l’inflation du nombre de livres produits en France chaque année. C’est donc plutôt des commandes en région et des buzz dans les journaux régionaux qui déclenchent ces commandes.
Par exemple, nous avons publié en mai 2020 un des premiers livres sur le Covid. L’impression à la demande nous a permis d’être très réactifs. C’était l’ouvrage d’un médecin qui expliquait ne pas avoir suivi les recommandations gouvernementales et avoir sauvé des patients avec d’autres moyens. Il n’y a eu aucune publicité de notre part, et pourtant le livre s’est vendu à près de 3 000 exemplaires. La presse locale s’en est emparée et beaucoup de libraires ont donc passé des commandes d’un peu partout en France.
Ouvrez-vous vos locaux au public ? (vente, échanges, dédicace…)
Pour le moment non… Avec presque 200 auteurs, je préfère investir dans les relations humaines, l’évènementiel et la création plutôt que dans un bâtiment. Comme indiqué plus haut, nous sommes en négociation avec un concept de librairie nouvelle génération…
Quels sont les défis que vous avez rencontrés à l’ouverture de la maison ?
Les premiers défis ont été les critiques sur les forums et la suspicion autour de l’impression à la demande. Beaucoup de critiques me sont adressées directement puisque la maison porte mon nom et que je me mets beaucoup en avant, notamment sur les réseaux, pour parler de la maison. Trouver des auteurs a aussi été un défi lorsque j’ai ouvert la ligne éditoriale.
En 2019, nous avons participé au salon du livre de Paris, ce qui n’aurait pas été imaginable quelques années plus tôt.
Sont-ils les mêmes aujourd’hui ?
Non, ils sont très différents. Aujourd’hui, nous avons des auteurs, nous participons à des salons, nous avons quelques succès.
Les défis sont plutôt dans les améliorations de la maison : est-ce qu’on lance une nouvelle collection ? Est-ce qu’on prend un attaché de presse pour le lancement d’un titre à enjeux ? Est-ce qu’on va se faire attaquer pour telle ou telle parution ? Est-ce qu’on veut créer un journal ? Ce sont des questions qui portent sur l’extension des projets de la maison.
Quel avenir imaginez-vous pour JDH Éditions ?
J’aimerai bien que JDH prenne de plus en plus de place, qu’elle grandisse et grossisse pour prendre une vraie part de marché et une vraie place sur le marché. J’aimerai aussi internationaliser la production littéraire, et qu’un jour le modèle de JDH soit imité, car c’est pour moi le plus grand signe de réussite. Et ensuite, si tout ceci se passe correctement, j’aimerai faire entrer JDH en bourse car je viens de ce milieu à la base. Mais ce n’est pas pour tout de suite !
Comment définissez-vous le monde de l’édition ?
L’édition est un média, ni plus ni moins. Mais contrairement aux autres médias, il permet de créer une onde de choc qui se propage dans le temps, sur le long terme. Et surtout, elle a une portée politique. Par exemple, c’est grâce au livre de Alexandre Soljenitsyne que l’existence des goulags a été révélée. Et des années plus tard, c’est ce livre qui a fait chuter l’URSS. Un livre est donc éminemment politique. Éditer est avant tout une responsabilité très lourde, car si on sait ce qu’on édite, on ne sait pas quelle va en être la protée. C’est cette dimension politique qui me fait dire que le métier d’éditeur est un métier politique.
Comment considérez-vous l’objet livre ?
Pour moi c’est à la fois un objet de grande consommation, mais aussi une œuvre d’art. Un même texte peut d’ailleurs être les deux, tout dépend de la fabrication du livre. Par exemple, la collection Les Atemporels se veut de grande consommation, même si (ou peut être justement parce que) ce sont des textes d’écrivains reconnus. Et des versions luxe du même texte sont imaginables, avec des illustrations, un beau papier, un grand format, etc. Je ne dis pas cela en vain, vous verrez!
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