Droits de douane – Explications et Analyse par Jean-David HADDAD

Chers lecteurs,

Après avoir longuement étudié la question, je souhaite partager avec vous mon analyse en tant qu’économiste.
Mon objectif est de vous donner une grille de lecture claire sur les enjeux liés aux droits de douane et leurs conséquences sur notre quotidien et nos entreprises.

Cet avis est désormais public. Vous en avez la primeur. N’hésitez donc pas à le diffuser (avec la source bien entendu), à le commenter sur les forums de vos choix, sur les réseaux sociaux ou à en débattre entre vous en privé.

Un sujet plus complexe qu’il n’y paraît

Le sujet des droits de douane est bien plus complexe qu’il n’y paraît. De nombreux paramètres entrent en jeu, et les conséquences ne se limitent pas à une simple hausse ou baisse de prix.

Trump, Apple et la stratégie à double tranchant

Prenons l’exemple des droits de douane massifs instaurés par Donald Trump sur les produits à destination des États-Unis.
Cette décision peut sembler, à première vue, protectionniste et favorable à l’industrie américaine.
Mais la réalité est bien différente.
En effet, de nombreuses entreprises américaines ont délocalisé une grande partie de leur chaîne de production à l’étranger. Le cas emblématique, c’est Apple : la majorité des composants de l’iPhone sont produits et assemblés à l’étranger, notamment en Chine. Résultat : ces iPhones, en revenant sur le territoire américain, subissent des droits de douane élevés, ce qui augmente mécaniquement leur prix de vente.

Un objectif de relocalisation difficile à atteindre

L’objectif de Trump était de pousser les entreprises américaines à relocaliser leur production. Mais ce projet se heurte à plusieurs limites.
D’une part, de nombreux produits bon marché provenant d’Asie du Sud-Est, comme le Vietnam, seront lourdement taxés, ce qui renchérit le coût de la vie pour le consommateur américain moyen.
Or, ce même consommateur est aussi un salarié de base, qui risque de s’appauvrir davantage. Une relocalisation de la production avec des salaires américains plus élevés ne rendra pas pour autant ces produits plus accessibles pour lui.

Une possible récession et ses effets de contagion

À terme, ces mesures pourraient fragiliser l’économie américaine et déclencher une récession, avec des effets de contagion à l’échelle mondiale. En renchérissant le coût des importations et en affaiblissant le pouvoir d’achat des ménages, les droits de douane risquent de provoquer un ralentissement de la consommation intérieure — qui est le socle de la croissance américaine. Les entreprises, confrontées à une hausse de leurs coûts de production, pourraient réduire leurs marges, reporter leurs investissements, voire licencier.

De plus, la baisse des indices boursiers américains aurait une incidence bien plus lourde sur le peuple américain que ne pourrait en avoir une baisse du CAC 40 pour les Français. En effet, à part quelques milliers de passionnés comme vous, le peuple français est peu exposé à la bourse, même via les assurances-vie où les fonds en euros restent dominants. À l’inverse, l’Américain moyen dépend largement des marchés actions à travers ses fonds de pension. Une correction durable de Wall Street toucherait donc directement ses perspectives de retraite. Trump, malgré son discours musclé, n’a aucun intérêt à ce que les indices américains dévissent durablement à cause de lui.

Historiquement, ce type de stratégie a déjà laissé des traces : le tristement célèbre Smoot-Hawley Tariff Act de 1930 a déclenché un effondrement du commerce mondial de plus de 30 % entre 1929 et 1934.
En 2023, la Chine représentait environ 13 % des importations américaines, pour un total de plus de 500 milliards de dollars. Un conflit commercial prolongé avec elle perturberait l’ensemble des chaînes de valeur mondiales, notamment dans les secteurs technologique, automobile, pharmaceutique.

L’Europe, quant à elle, serait immédiatement touchée par ricochet. Avec près de 400 milliards d’euros d’exportations vers les États-Unis en 2023, le Vieux Continent verrait ses débouchés commerciaux se contracter. Les flux d’investissements transatlantiques seraient ralentis, et les marchés financiers accentueraient la nervosité ambiante. Dans un contexte de forte interdépendance, aucun acteur n’est véritablement à l’abri.

Vers une inondation du marché européen par les produits chinois ?

Cela signifie concrètement que le marché européen pourrait être inondé de produits chinois à bas prix. Contrairement aux États-Unis, où cela crée de l’inflation, en Europe cela pourrait avoir un effet déflationniste, favorable au pouvoir d’achat du consommateur. Les iPhones, par exemple, pourraient être moins chers en Europe qu’aux États-Unis.

Un horizon à 12-24 mois à surveiller

Certes, sur le long terme, la théorie de la parité des pouvoirs d’achat devrait rééquilibrer les choses, mais dans un horizon de 12 à 24 mois — qui est celui qui nous intéresse ici —, ces déséquilibres pourraient profondément impacter les marchés.

Des entreprises européennes qui pourraient en profiter

Ce contexte déflationniste pourrait aussi profiter à certaines entreprises européennes, en allégeant leurs coûts.

On observe d’ailleurs une baisse marquée des prix du pétrole, par crainte d’une réduction des échanges mondiaux (très consommateurs en pétrole), ce qui impacte fortement des valeurs comme Viridien. Nous avons d’ailleurs bien fait de vendre ce titre au bon moment. Il sera peut-être nécessaire de réévaluer notre stratégie concernant les valeurs pétrolières : j’y reviendrai très prochainement.

Le rôle crucial des taux de change

Enfin, un paramètre souvent sous-estimé est celui des taux de change.
Actuellement, l’euro a rebondi (de 1,04 à 1,09 face au dollar) et semble se stabiliser.
Si l’inflation s’intensifie aux États-Unis, la Fed devra relever ses taux d’intérêt.
Cela attirera les capitaux vers les États-Unis, renforçant le dollar. Un dollar fort serait alors bénéfique pour l’Europe, à la fois pour ses exportations et pour la compétitivité de ses entreprises.
A terme cela pourrait être un levier positif.

Conclusion : vigilance, mais pas de panique

La situation actuelle n’est pas alarmante pour l’Europe. L’incertitude domine à court terme, certes, mais à long terme, si nos gouvernements et les institutions européennes font preuve de clairvoyance — ce qui reste à prouver —, les retombées pourraient être positives.
Il faudra néanmoins faire preuve de discernement et opérer une sélection plus rigoureuse des valeurs, à la lumière de tous ces paramètres. Je ne manquerai pas de vous tenir informés de nos ajustements stratégiques.

En attendant, notre dossier sur les small caps vous attend!

Bonne réflexion et bons choix!

Jean-David Haddad
Professeur agrégé d’économie et de sciences sociales (sociologie, science politique, anthropologie, etc)
Auteur de plus de 30 livres, et éditeur spécialisé dans le livre financier, économique et sociétal.
Préfacier de Keynes, Marx, Durkheim, Mauss, etc
Rédacteur en chef et co-fondateur de Francebourse.com, média spécialisé dans l’information et la recommandation boursière pour les particu