Ecrire est un exercice que j’ai découvert il y a maintenant bien des années. J’ai mordu et depuis, l’hameçon est un forcené, toujours accroché dans une recherche archéologique qui racontent des histoires de vie.
Dans le silence de ma tête nébuleuse, dans la tension qui m’agite, des mots essaient péniblement de se faufiler dans les zones troubles de mon cerveau pour se mettre en rang et s’aligner dans une cohérence audible. Ils se montrent patients et attendent leur moment pour traquer l’idée : trouver le mot le plus juste, le plus près, le plus adapté, celui qui va correspondre le mieux à l’intention du message. Cette recherche me plait.
Contrairement à ce qu’il peut faire certaines fois, le mot choisi avec soin ne me fait pas mal. Au contraire, il me libère de ces émotions qui m’empêchent parfois de parler ou qui me poussent à hurler.
Écrire éloigne les orages menaçants. La plume prend la relève et rend lisible la tempête qui bout. Les trous d’air ne m’aspirent pas.
Dans ce cas de figure, écrire me permet de me dégager de l’étau qui me serre les tempes. L’araignée aux huit pattes ou la pieuvre à plusieurs tentacules est rendue impuissante. L’araignée ne me pique plus. La pieuvre a ravalé son venin. Je leur tords le cou à l’une comme à l’autre. Ma capacité à penser se libère de leur emprise. Je ne suis plus prisonnière. Le sifflement de la cocotte-minute a baissé de plusieurs tons.
A d’autres moments, les idées jaillissent tel un flot qu’il faut vite attraper avant de les voir s’évaporer. Les mots se bousculent et demandent à être rapidement aplatis sur une page du téléphone ou de l’ordinateur. Les doigts trouvent leur agilité pour aligner les lettres avant de les perdre dans les couloirs de l’oubli.
Une fois le croquis dessiné, je peux le peaufiner et l’améliorer.
Les grands textes ne me réussissent pas. Les longues descriptions me fatiguent. J’ai de l’admiration pour ceux et celles qui se lancent dans le déploiement d’un lieu où d’un événement. Je ne sais pas faire. Pire, je me perds dans les phrases à rallonge ; je m’y noie. Elles me jettent sur la grève et m’abandonnent là, et je ne sais plus comment récupérer mon chemin.
La confusion s’invite et me fait perdre le sens. Alors, des phrases courtes, tranchées me réussissent davantage. Des phrases sèches, incisives. Elles ont maintenant ma préférence. Si dans ma lancée je vois que les lignes défilent, je m’arrête, je coupe, je prends des raccourcis. Je n’ai plus mal à virer l’inutile. Je braque et je trace.
Parfois, un mot suffit, un seul, accompagné éventuellement d’un point d’exclamation ou d’interrogation.
Ça casse. Ça tranche. Ça peut prendre à la gorge. Ça peut même prendre aux tripes.
Ma plume m’a conduit sur des chemins que je ne pensais pas emprunter un jour. Tel un escargot, je porte mes récits et témoignages partout, et je les partage avec qui veut en parler.
Pour l’instant, mes textes s’inscrivent dans la biographie–autobiographie, dans le témoignage. Mon imagination jusqu’ici empêchée, voire décédée, j’espère pourvoir la ressusciter et donner vie à une autobiographie romancée. Travestir la réalité et les personnages est encore prisonnier de mon surmoi envahissant. Si l’encouragement tu n’es pas obligée de dire la vérité, autrement dit l’autorisation à mentir m’a permis des sorties de route ou des fausses routes sans m’étrangler, créer un scénario reste encore une autre histoire.
Les textes se sont empilés au fil du temps et l’envie de les faire connaître arriva bien des années plus tard. Légitimée par un ami écrivain, je me suis enhardie à l’exercice de la publication. Le passage du manuscrit au livre est grisant et s’est révélé libérateur. Avec mon « On s’en va ! Liban d’ici et d’ailleurs », je me plais à dire que je poursuis mon voyage à l’instar de l’escargot qui avance avec mon Liban sur le dos, même si les circonstances actuelles réactivent mes multiples déchirements.
J’avoue avoir peur pour celui qui sort en novembre prochain. Sujet douloureux et encore présent, l’émotion est encore à fleur de peau. La Parkinson est une maladie qui touche la personne concernée, c’est d’une évidence implacable, mais elle touche également, certes différemment, ceux et celles qui vivent avec elle. Elle ne laisse personne indemne
Mon écriture ne cherche aucune reconnaissance. Mais c’est vrai, des retours positifs me font plaisir, assure ma légitimité et m’encourage à persévérer.