Vous m’obsédez, Madame, au point que chaque jour, qu’il pleuve, qu’il vente ou que le soleil brille, par le petit sentier qui serpente la lande, je viens…
Au détour de la chapelle, je vous entends déjà gronder. Ce matin, vous semblez en colère. Qu’avez-vous fait de votre nuit ? Il me brûle que vous me racontiez.
Alors… je me hâte.
Votre parfum arrive sans crier gare, juste après le grand pin décharné et tordu par les vents. Encore un qui s’est brûlé les ailes à trop vous regarder.
Du haut de la falaise, je vous découvre enfin et au premier coup d’œil, je connais votre humeur.
Aujourd’hui, vous portez votre robe vert émeraude avec dentelles et rubans blancs, celle que vous revêtez lorsque vous êtes furieuse. Elle vous va si bien, Madame, que l’on vous pardonne.
Mais pourquoi tant de courroux ? Comme une forcenée, vous crachez votre écume et montez à l’assaut des rochers pour vous fracasser en gerbes étincelantes. Cessez ce chahut, car l’on ne s’entend plus !
— Comment ? Que me murmurez-vous ?
— Je suis une déesse et ma beauté est inégalable. La terre entière m’admire et me respecte. Souvenez-vous, c’est grâce à moi si la planète est bleue. J’aime parader, séduire et être désirée. Et si je suis changeante et capricieuse, c’est que je traîne derrière moi mes vagues à l’âme.
— La modestie ne vous étouffe pas, c’est peu de le dire. Mais vous m’impressionnez. Vous me subjuguez. Vous êtes caractérielle, parfois cruelle et je vous aime ainsi.
Écrivant sur le sable à l’encre de mes pas, je m’élance vers vous et reste là, à vous contempler, le temps d’une éternité.
Je remonte alors jusqu’à la laisse de mer. Qu’avez-vous apporté aujourd’hui ? De fabuleux trésors venus des Indes ? Du bois flotté du Liban ? Des parfums venus d’Orient ?
Cet été, Madame, vous mettrez votre robe bleu turquoise, celle dans laquelle, tel un sorbet curaçao, je fonds.
Vous êtes toujours là à m’attendre.
Qu’ils sont doux…
Nos petits rendez-vous.