ET PAF MAYA!

ET PAF MAYA !

Et paf Gaïa…

par Nathalie SAMBAT

J’ai la chance de découvrir l’apiculture depuis un mois et j’ai assisté au ballet majestueux des abeilles en sortie d’hivernage jusqu’aux premières récoltes. Mais je suis témoin également des ruches mortes, contaminées, affamées ou attaquées, résultant du désastre écologique dont sont victimes ces stakhanovistes du miel:

A une époque pas si lointaine, celle où les enfants servaient de télécommande pour le téléviseur de la taille d’un piano pour trois chaînes nationales, j’apprenais les douces paroles de mon générique et dessin animé préférés:

«Dans un pays de tous les temps, vit la plus belle des abeilles… que l’on ai vu depuis longtemps, s’envoler à travers le ciel…»

Maya, cette espiègle petite abeille et son ami Willy y affrontaient tous les dangers pour découvrir le monde et fabriquer du bon miel.

207 chaînes de télévision et presque autant de télécommandes plus tard, j’erre dans les rayons du supermarché en quête de miel Bio et made in France. Le Bio n’est que peu présent, mais en plus, le miel local et artisanal est aussi inexistant que la démocratie dans notre système politique: le miel est d’origine UE et hors UE, ou il n’est pas! Maya est-elle partie en road trip ou étudier avec Erasmus? Que néni! Son extinction se noie silencieusement sous les couches de faux miel à base de glucose. Faux ou pas, pour la majorité des consommateurs, tant qu’il y a du miel il y a de l’espoir…

Et tandis que la population hyper ventile devant tous les sujets anxiogènes dont nous arrosent tous les médiocres, heu, les médias pardon, Maya se meurt. La peur du chômage, de la pauvreté, des virus, des terroristes, des gens qui pensent, etc, font diversion tandis que là haut, ceux qui nous gouvernent, jouent au tir au pigeon avec l’avenir de la planète; un véritable ball-trap à balles réelles de l’écologie depuis des décennies! Fini depuis longtemps le pare brise recouvert de purée d’insectes de la R16, sans ceintures de sécurité et aux sièges en skaï qui brûlent les fesses l’été, à nettoyer tous les 100 km sur la nationale 7… bonjour les robots pour imiter les insectes pollinisateurs!

Sur le terrain, la réalité est plus qu’alarmante! Vincent, apiculteur, est formel: la partie est perdue d’avance! Il ne peut que constater quotidiennement la dégradation de ce marqueur de la qualité de l’environnement: ses ruches s’éteignent doucement dans l’indifférence générale. Et parce qu’il y a de l’argent à se faire avec tout, quelques start-up n’hésitent pas à vous inviter à sponsoriser une ruche pour palier à ce drame. C’est comme pour les enfants qui meurent de faim à l’autre bout de la planète : un petit don et «pis ayé!», on peut repasser à table l’esprit serein…

Le fil qui tient Maya et Willy en vie est mince et les attaques multiples:

– Le manque de nourriture qualitative ne permet pas à la colonie de survivre. L’homme, avec ses gros «sous-liers» a remembré les terres, supprimé les haies, « glyphasé » les espaces, surexploité les forêts… La végétation mellifère n’a pas sa place dans la course à la rentabilité et les traditions rurales ont la dent dure: on traite et on plante du maïs à faible intérêt nutritif pour ces insectes au bord de l’asphyxie d’abord, on réfléchira plus tard! Gros tracteur, petite conscience! Il y aurait également des kilomètres de lignes de chemin de fer ou d’autoroute pour semer de la nourriture à nos abeilles, mais pourquoi faire le bien quand on peut faire de la merde à moindre coût?

– Si la Vespa Piaggo fait penser à Dolce Vita, cheveux au vent et aspirateur à nanas pour ados prépubères ou bobos sur le retour, Vespa velutina, le frelon asiatique, est une véritable plaie! Accro au sucre et aux protéines, tel un bodybuildeur, cette arme de destruction massive fait de l’abeille son plat favori. Tel un drone de surveillance, il attend devant la ruche le retour des butineuses chargées de pollen pour faire d’une pierre deux coups. Les abeilles n’osent plus sortir et lorsque la colonie est affaiblie, la ruche se transforme en self pour cette machine de guerre: entrée, plat et dessert à volonté! La raquette de badminton pour les éclater à l’entrée de la ruche soulage les nerfs de Vincent, les pièges aident un peu, mais le fléau demeure : les abeilles ne sont pas assez fortes pour se défendre seule.

– Et oui, car Maya est aussi victime d’un autre boulet venu lui aussi d’Asie: le Varroa destructor. Si l’abeille asiatique résiste aux attaques de ce parasite, l’abeille européenne se voit souffrir de transmissions de maladies lors des piqûres ou d’infections des plaies, ou priver de nombreuses cellules sanguines et de protéines nuisant au bon développement du couvain. Une colonie qui hiverne avec plus de 50 varroas a peu de chances de survie l’année suivante. Ce petit crabe originaire des pays du soleil levant est le covid 19 des ruches… Mais pour lutter contre ce fléau, Blanquer n’a toujours pas annoncé l’obligation de télétravaille et de port du masque pour les abeilles.

Il y a également la pollution de l’air, de l’eau, le bétonnage, les apiculteurs aux pratiques maltraitantes ou génétiquement douteuses, l’agriculture intensive, le Bio et ses normes manquant cruellement de bon sens… L’apis Mellifera Mellifera, l’abeille européenne, n’a pas le dard sorti des ronces!

Pourtant, Apis Mellifera mellifera, notre abeille endémique, dite abeille noire, est d’une intelligence incroyable. Apprendre et observer l’organisation de la colonie est de l’ordre de la magie : 30 000 à 50 000 abeilles nettoient, rangent, produisent, pouponnent, nourrissent, communiquent, défendent, décident ensemble, évoluent dans les fonctions, cherchent des ressources,et surtout, elles pollinisent… Elle n’ont pas un caractère facile, c’est vrai! Le miel, comme depuis toujours, se mérite! Mais quelques rougeurs et démangeaisons sur les cuisses se font vite oublier dès que le savoureux Graal encore dans son rayon coule au fond de votre gorge.

Alors ne tondez pas vos pissenlits dans vos pelouses, elles en sont folles, plantez des fleurs mellifères à floraisons étalées sur l’année, renvoyez tous vos produits chimiques au 55 rue du Faubourg Saint Honoré à 75008 PARIS, et surtout, achetez local et respectueux! Les sauver, c’est vous sauver…

Nathalie SAMBAT

Auteure et directrice de la collection Case Blanche

Nathalie Sambat