Arnaque à la drague, par YLR.

Arnaque à la drague.

 

Moi qui balance désormais entre deux âges, moi qui suis sorti définitivement du marché, moi qui ai plié mon stand à la foire aux célibataires, parce que je suis heureux en couple et d’un naturel fidèle depuis elle, je me dois cependant de  jeter un coup d’œil sur ce qui se fait. Après tout, voilà plus de dix ans que je suis en retraite de cette activité. Il faut que j’actualise de temps à autre pour ne pas perdre le fil.

Ça fait partie du métier d’auteur que d’observer ses contemporains. Et ce que j’observe en ce moment, lié bien évidemment à un projet d’écriture de la maison d’édition, c’est que c’est devenu triste cette histoire de drague… c’est sérieux… c’est à la limite de l’administratif tant les candidats au tagada doivent cocher de cases.

Ou à l’inverse, totalement con.

Et cela semble dangereux d’entreprendre cette activité aujourd’hui.

Il semble y avoir des pièges.

Et des contrefaçons.

Et des partis pris sévères.

La drague, sans parler des conditions sanitaires actuelles, passe en majorité par les réseaux sociaux, et franchement, ce que je lis dans les posts de mes « amis » Facebook me fait davantage frémir que sourire. Et je constate que la parité est respectée idéalement, car  je vois autant de lièvres et de couleuvres dans le jardin de Vénus que dans celui de mars. Par exemple, quand tout sera déconfiné et que les bars et autres réouvriront, quand les gens se donneront à nouveau des rencarts, comment vont-ils faire pour se reconnaître ?

Ça peut être gênant cette histoire, les deux partis pourront croire au lapin et se vexer définitivement.

La seconde question est : vont-ils, s’ils se reconnaissent, entamer la discussion post-plumard ?

Car, entre les logiciels de retouches photos, les filtres et les accessoires avantageux portés pour la pose, je crois, pour connaître certaines de ces personnes en chair et en os, que « la cible » risque d’être fameusement déçue. Et à moins d’une brusque cécité, virale et utile  pour le coup, je ne crois pas que ces histoires iront plus loin que la terrasse du café et le respect des gestes barrières.

À se fabriquer un personnage idéal, mâle ou femelle, à s’inventer des moyens, à gonfler ses titres et à force de lisser ses plumes, je me demande bien ce que les dragueurs et les dragueuses du web peuvent bien avoir à se dire en vrai en cas de rencontres. J’imagine le dialogue :

Elle :

– Mais t’es tout petit en fait, j’attendais un grand type, moi ! Tu vas pas me faire croire que t’es basketteur et que t’es pote avec Tony Parker… T’as juste fait un selfie pourri avec lui en fait…t’es un gros mytho !

Lui :

– Attends, tu m’as pas dit que t’avais 30 ans…ça se passe comment ta ménopause ?

Elle :

– D’accord, en fait t’es pas du tout friqué… t’as même pas la tune pour payer le café…et en plus t’es grassouillet et poilu… Les abdos sur la photo, c’était ton frère en fait !

Lui :

– Sur ta page en photo t’es plutôt canon, mais là on dirait ta mère !

 

Et j’en passe…

Car je le vois bien, à force de mentir sur leurs professions, sur leurs âges, sur leurs physiques, sur leurs  logements (terrasses panoramiques et piscines à foison), sur leurs  voitures (c’est fou ce qu’il y a comme BMW en France) , sur leurs voyages (aux Antilles ou en Floride) et sur leurs amis « peoples », les prédateurs à roulettes du web ne doivent pas faire beaucoup grimper les revenus des actionnaires de chez Durex…

De là, j’en déduis que la méchanceté affichée de certains et de certaines dans leurs commentaires surtout, est en fait liée à une énorme frustration.

Et le pire, paradoxalement, c’est que quand certains jouent « la page » de l’honnêteté, on ne les croit pas. Par exemple, j’ai une amie qui  a dans les 35 ans, qui est vraiment une femme sublime et qui a un physique d’actrice glamour, qui est féminine jusqu’au bout des ongles, qui est douce, compréhensive et intelligente, qui gagne très bien sa vie  et qui à de l’humour à revendre. Elle ne triche pas, ne se vante pas et se présente telle qu’elle est.

Et bien, personne ne la croit.

Mieux, on l’insulte…

Pour finir, ce qui est encore plus déprimant c’est la drague sérieuse…intello…féministe et végétarienne. Le tout penchant à gauche. Vilipendant toutes les plateformes du web qu’ils utilisent pourtant à longueur de journée, ces personnages, fins bretteurs, peuvent sur un seul post entamer une discussion avec plus de 500 commentaires avant de se fâcher définitivement et de s’avouer publiquement déçus par l’autre et pour finir, le bloquer. Puis, si c’est un homme de continuer à insulter la femme sur sa propre page en solo, et si c’est une femme, faire de même, mais en appelant les copines féministes du cru et de terminer par : les hommes sont tous de salauds, mon corps m’appartient et j’en passe et des meilleures.

Dans ce débat d’idées, l’homme est végétarien seulement parce qu’il drague un profil et il finira pas avouer qu’il se tape des steaks et qu’il aime ça et la femme « cool », pourtant sensible à ses charmes numériques au départ, finira par montrer son vrai caractère en devenant de plus en plus loquace et agressive.

Bref, tout ça manque de poésie, de fleurs et de violons.

J’suis bien content d’être marié, moi…

YLR