Brillante, une jument pour deux destins – Arnaud Dangoisse

Fraîcheur…. Par les temps qui courent, cela fait du bien. Mais ce mot qui a conclu ma lecture de Brillante – Une jument pour deux destins, roman de Arnaud Dangoisse, préfacé par sa fille Elodie, n’a rien à voir avec la chaleur estivale. Celle-là est revigorante, avec cette plongée magique dans un univers qui nous est devenu étranger : celui des chevaux. On ne connait guère plus que ceux qui piaffent muettement sous le capot de nos voitures électriques ! Après l’avoir domestiqué, envoyé se faire tuer à la guerre, avoir monnayé sa vitesse sur les champs de course, l’avoir fait bossé dans les mines et même mangé, nous avons fini par oublier combien il est fascinant qu’un animal aussi grand, aussi beau, aussi puissant et sensible, « la plus belle conquête de l’homme » aux dires de Buffon, puisse être plus à l’écoute que celle ou celui qui grimpe sur son dos, juste pour « faire du cheval » !

La pouliche au « caractère fougeux et implacable » Brillante, l’indomptable destrier Fanzy, la paisible jument Estuaire, le sprinter réformé Esprit sont les protagonistes de cette histoire d’amour et de chagrins, à pied d’égalité, avec Marie, une adolescente douce et studieuse, élève de terminale, hyper exigeante avec elle-même en réponse à l’intransigeance de ses parents, d’un milieu aisé, qui la rêvent en jeune fille parfaite et avec Maxime, un jeune garçon de quatorze ans, qui a fui le foyer familial caennais et la violence de son père – devenu alcoolique à la suite de la perte de son emploi -, convaincu que son absence calmera l’agressivité paternelle dont sa mére paie le prix par des coups. Destin oblige, sa fugue se terminera à Auteuil, à un vol d’oiseau de la maison de Marie.

Des rencontres aléatoires où le hasard semble volontairement s’abstraire, se tisseront autour d’eux, via une passion commune, les chevaux, que partagent Paul Valmeur, « le Monsieur référence des courses à Auteuil », Ernest Darvignon, propriètaire d’Esprit et Marcus qui dirige un centre équestre où moyennant une participation financière à l’entretien de Brillante, Marie peut la dresser et la monter à loisir. Affection, entraide et patience sont les rênes dont usent ces trois hommes afin de transmettre aux deux jeunes gens leur amour et leur profonde connaissance des chevaux, via la plume toute aussi passionnée et passionnante de l’auteur Arnaud Dangoisse pour qui l’univers équin ne semble avoir aucun secret. Et il l’exprime !

« Ce ne sont pas les mains qui comptent lorsque l’on monte à cheval. Tu vois, ce qui te maintient, là, et ça, tu ne dois jamais l’oublier, ce sont tes jambes. Elles encerclent le ventre du cheval, elles sont commes des racines qui cherchent le sol, la terre. Ce sont elles qui permettent à l’arbre que tu es de se tenir droit malgré la tempête. C’est très important, car c’est cela qui te permettra d’être toujours à ta place, de garder ta position et de ne pas être éjectée en cas de coup dur. Et selon la façon dont tu va être assis sur ta selle, ta monture te ressentira différemment, et si cela lui convient, elle t’écoutera d’autant mieux et te respectera davantage. »

L’équitation est une école de la vie. Si Marie et Maxime y construisent peu à peu leur amitié, chacun y règle ses comptes avec lui-même, doutes, manque de confiance ou encore, pour le jeune homme, le ressentiment et la colère qu’il éprouve envers son père. Les chevaux sont leurs maîtres en apprentissage, chacun ayant une personnalité bien trempée et les problèmes qui vont avec. Par exemple, Esprit, un ouragan réformé de course par les hommes, pour qui il manquait de potentiel : « Un cheval à qui on a fait croire qu’il était un perdant, qu’il n’était pas bon à grand chose. Et il a fini par s’en persuader. On l’a en quelque sorte « déformé ». Mais c’est un pur sang et un pur sang, c’est taillé pour la course, c’est un bolide qui doit tout défoncer devant lui. Il y en a de plus rapides, certains deviennent célèbres tandis que d’autres ne sont connus que des habitués dans des courses confidentielles… [….]… Mais quoiqu’il arrive, ils doivent courir. Ils sont faits pour ça. »

Maxime qui dès l’instant où il a foulé l’hippodrome d’Auteuil a été traversé par la prescience qu’il était intimement lié au monde du cheval, comprend rapidement qu’entre l’homme et l’animal, le courant ne peut passer que si le langage commun est celui du cœur. Marie, elle, est plus intuitive. Inutile d’apprendre quoique ce soit à leurs trois compagnons, Brillante, Fanzy et Esprit, si eux-même ignorent leur nature profonde. En conséquence de quoi, ils seront incapables de les écouter, de parler leur langage, de prévoir leurs réactions, de comprendre leurs motivations et également leurs problèmes psychologiques. « les chevaux sont des êtres hypersensibles, ils ont les nerfs à fleur de peau, surtout les purs sang comme celui-ci. Ils réagissent à l’instinct, ce sont des proies et leur survie dépend de leur vigilance, de la vitesse de leurs réactions. Ce n’est donc pas facile de les comprendre, de se mettre à leur place, d’anticiper leurs mouvements. Mais lorsqu’on y parvient, lorsqu’on perçoit cette peur qui les tenaille, lorsqu’on devient cette peur, qu’on l’observe bien en face, calmement, alors tout devient possible. » Tout est une question de timing. Un véritable art martial.

« Ce qui fait la force de l’un fait la force de l’autre : chacun s’abreuve à la source de son autre moitié. » Plus qu’une complicité des corps, une osmose des âmes. Grandir par et avec les autres, avec tous les êtres vivants, quel que soit le règne auquel ils appartiennent, ainsi Jane Goodall avec les chimpanzés, Elisa Demuru avec les bonobos, Pat Parelli, célèbre chuchoteur, Jean Giono le passionné des arbres ou Francis Hallé, botaniste globe-trotter qui ne peut vivre sans eux et les protège, telle est, au-delà du scénario narratif, la leçon que nous transmet Brillante, une jument pour deux destins.

Bon Arnaud, j’ignorais qu’il existait des parcours de cross pour les chevaux, et quels parcours ! J’attends avec appétit la suite !

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