La Pluie Soleil avant Le Chant des Brisants.

Bonjour,

 

Je vous propose un extrait de « la Pluie Soleil » qui a précédé « Le Chant des Brisants ».  Ce livre est ancien et vous ne le trouverez plus. Par contre venez découvrir pour les fêtes « Le Chant des Brisants », un voyage à l’île Maurice.

 

« Un avion invisible décolle bruyamment, et l’aéroport vibre au rythme des réacteurs, qui paralysent, un instant, toutes les respirations. Arnaud, pour la troisième fois, arpente l’interminable couloir qui s’étend de l’escalier du restaurant, au salon privé des passagers de première classe. Brutalement, dans la lumière diffuse de projecteurs fatigués, elle paraît. Elle avance, lumineuse, gracieuse et déterminée. Elle balaye de son sourire les boutiques étincelantes et les groupes qui se pressent. Elle promène ses yeux rieurs sur une grappe de voyageurs impatients. Elle ne marche pas, elle effleure le sol. Ses bras dansent, en cadence, libre et sans contrainte. Les visages se retournent prestement sur son passage. Un léger murmure d’admiration accompagne ses pas. Même, les policiers de l’air et des frontières, aux yeux inexpressifs, aux attitudes moroses, semblent revivre. Ils la suivent de leurs regards habituellement inquisiteurs. Ils paraissent plus humains. Vêtue d’un pantalon ample et noir, d’un pull blanc aux mailles très fines, elle est d’une élégance rare. Aucune des femmes présentes ne peut à cet instant rivaliser avec cette apparition, qui paralyse tous les hommes qui jalonnent sa route. L’ambre scintille sous ses oreilles, sur sa poitrine, autour de ses poignets, le long de ses doigts. Une longue écharpe mauve flotte derrière elle, comme ces voiles qui entourent les épaules d’une statue antique. Arnaud se redresse, la fixe dans les yeux, grisé par l’ambiance de l’antichambre des départs vers des mondes qu’il idéalise. Elle soutient son regard, et sans ralentir, lui adresse un clin d’œil. Sa bouche, ses dents, ses lèvres ont été dessinées pour sourire. Quelques petites rides, fines et légères, bordent ses yeux. Elles courent le long de ses joues. Elles soulignent l’expérience, la connaissance de la vie. Elles rassurent. L’inconnue disparaît vers les salons de la classe affaire, et les conversations, un instant, suspendues, reprennent. Arnaud ne bouge pas. Il examine ses plus proches voisins, effrayé par son audace. Il est paralysé, terrassé par une flamme chatoyante, par un battement de cil.

« Je dois rêver. Seuls les songes peuvent être aussi beaux ; La plus belle des femmes, Hélène, a dû quitter exceptionnellement l’île Blanche, en s’évadant de la mer noire. La déesse aux multiples prétendants vient de traverser un troupeau d’humains, qui croit pouvoir emprunter l’itinéraire des étoiles. »

Il songe à la reproduction du tableau de Jacques-Louis David représentant « Les amours de Pâris et Hélène » [1]qu’il avait, jadis, affiché dans sa chambre.

Un haut-parleur grésille, en indiquant la porte à suivre.

« Embarquement immédiat. »

Arnaud suit la longue file qui se forme, guidé par une voix sans âme. Il a déjà, ce lundi soir, rejoint les nuages. Il ne peut pas percevoir les plus obscurs, cachés par l’horizon. »

 

[1]  Jeune, il avait rêvé d’être Pâris et de séduire Hélène.