La trilogie de Rose – Décousue, Outrage, Etat limite ground zéro – Maryssa Rachel

Maryssa Rachel, artiste accomplie est auteure, photographe et réalisatrice de courts métrages. Très active sur les divers réseaux sociaux y compris YouTube, sa personnalité cash et bien trempée m’a séduite d’emblée. Maryssa ne mâche pas ses mots. Elle fait rarement dans la dentelle. Vous l’adorerez ou la détesterez, mais elle ne pourra pas vous laisser indifférent.

Je vais vous parler de cette auteure au travers de trois livres qui nous content l’histoire de Rose, une femme libre, torturée, perturbée, traumatisée, instable, mais surtout malade…

Les deux premiers opus « Décousue » et « Outrage » sont des romans éroticopornographiques strictement pour adultes. Le dernier tome, mon préféré « État limite – Ground zéro » est un ouvrage psychiatrique pour public averti. Il justifie à lui seul les excès des deux précédents !

J’aborderai ma chronique d’un point de vue très personnel, pour ne pas dire intimiste, en tant que personne souffrant d’une maladie psychique. J’ai littéralement dévoré ces trois livres. Cette lecture m’a laissée à bout de souffle, chamboulée et admirative de cette plume tellement singulière et réaliste. Ça m’a littéralement prise aux tripes, comme un coup de poing à l’estomac ! J’ai éprouvé une immense empathie pour le personnage de Rose. Elle ressemble tellement à celle que j’étais quelques années plus tôt, complètement paumée et déconstruite. L’effet miroir m’a happée de plein fouet. Par moment, j’avais même l’impression de voir des passages de ma propre vie défiler devant moi. C’était vraiment troublant… Je me suis reconnue dans l’héroïne de Maryssa Rachel, dans son mal-être, dans son besoin perpétuel de sexe, dans ses expériences extrêmes, dans sa façon de pratiquer le sadomasochisme. J’ai souffert à ses côtés. J’ai pleuré pour elle, par elle. Je la comprenais tellement… Ce besoin de se détruire par la sexualité, d’aller toujours plus loin, de repousser les limites jusqu’à se mettre en danger, tout cela, je l’avais vécu durant mes phases maniaques pendant et après ma vie de « Cendrillon du trottoir » https://jdheditions.fr/produit/cendrillon-du-trottoir/ Contrairement à Maryssa, mon roman reste pudique. J’ai volontairement passé certains événements sous silence, par pudeur, par honte, par culpabilité aussi. Lire cette trilogie m’a fait l’effet d’un électrochoc, d’une bombe dans ma petite existence désormais bien rangée et ordonnée ! Je me suis souvenue de celle que j’avais été et ça m’a fait autant de mal que de bien, à la manière d’une thérapie. J’ai d’ailleurs pris rendez-vous avec une psychologue pour aller au fond des choses à l’issue de cette lecture. C’est vous dire à quel point Rose a résonné et fait écho en moi ! Notre héroïne est borderline ; je suis bipolaire, deux troubles psychiques voisins. Durant mes états « up » (je n’en ai plus désormais avec mon traitement médicamenteux), je développais une hypersexualité qui m’a valu nombre de mésaventures tout comme celles vécues par Rose. Rarement un personnage de roman m’a autant bouleversée.

Dans « Décousue », nous faisons connaissance avec cette femme éprise de liberté sur les sentiers du libertinage. Rose aime les hommes, les femmes, mais surtout elle aime le sexe sous toutes ses formes. Ce n’est pas un roman masturbatoire, car l’auteure y amène une dimension psychologique.

Avec « Outrage », nous rentrons dans le vif du sujet. Nous découvrons que Rose a été victime d’inceste durant son enfance. Elle rencontre Alex, le Loup, un mâle alpha. Son odeur lui rappelle celle de son père abuseur. Notre héroïne tombe éperdument amoureuse de cet homme qui la déconstruit et la détruit chaque jour un peu plus. C’est une passion mortifère aux relents nauséabonds. L’écriture est bestiale, quasi animale. Rose est sous l’emprise du Loup et elle fait taire la Bête libre qui rugit en elle, par amour. Ici l’amour fait mal ! Alex est jaloux, instable, aussi névrosé qu’elle. Finalement il rompt et notre héroïne se retrouve face à l’atroce douleur du déchirement. Pour ne plus souffrir, elle se jette alors à corps perdu, dans la seule chose qui lui reste, la sexualité outrancière, le BDSM et même la zoophilie ! Attention, il y a beaucoup de psychologie dans tout cela. Ce n’est pas de la pornographie gratuite. La Bête a été muselée trop longtemps. À présent, elle se déchaîne. La scène zoophile tant décriée s’intègre donc parfaitement au récit, même si cela peut choquer. L’on comprend très bien que Rose a un problème, qu’elle n’est pas « normale ». Personnellement, elle m’a beaucoup touchée et je me garderais bien de la juger ou de la blâmer. J’ai fait bien pire…

Avec « État limite – Ground zéro », nous retrouvons notre héroïne dans un hôpital psychiatrique où elle a été admise à la suite d’une grave mutilation sexuelle qu’elle s’est infligée. Rose a voulu tuer la Bête ! Nous comprenons donc qu’elle n’est ni nymphomane, ni érotomane, mais simplement borderline. L’univers de l’enfermement en HP est décrit avec un réalisme qui force le respect. Il en est de même pour les aspects psychiatriques et médicaux. L’on sent que l’auteure s’est fortement documentée sur le sujet. Je sais de quoi il s’agit, car j’ai effectué deux séjours de plusieurs mois dans ce genre d’établissement. J’ai été particulièrement bouleversée par la tentative de viol d’Éliane, une patiente interrompue à temps par l’arrivée de Rose dans un cabanon délabré du parc de l’hôpital. J’ai moi-même subi un viol en HP de la part d’un patient. Ce genre de chose est courant… Éliane a suivi un mec louche dehors pour avoir des cigarettes. J’avais été attirée par un malade à l’extérieur pour une clope. Ce troisième tome est celui que je préfère, car on y découvre vraiment Rose dans toute sa complexité. Je crois qu’il a eu moins de succès que les deux précédents et c’est vraiment dommage. C’est dans ce roman-ci que l’on comprend tout, que les différentes aventures de notre héroïne prennent enfin un sens. C’est vraiment malheureux que les lecteurs se soient focalisés sur « Outrage » et son aura scandaleuse pour se faire une idée de la plume de Maryssa Rachel.

J’ajouterais que le style cru et réaliste de l’auteure peut ne pas plaire à tous. Elle appelle un chat un chat, ou plutôt une chatte, car il en est beaucoup question ici (sourire). Maryssa Rachel est inclassable. Elle ne rentre dans aucune case. L’on ne peut pas lui coller d’étiquette et elle le revendique. Elle est une voix à part dans la littérature française, sans doute la voix des bas-fonds et des laissés pour compte… J’espère avoir suscité en vous l’envie de découvrir cette auteure qui ne donne pas dans le politiquement correct. Maryssa, je te dis un grand merci. Tu m’as réconciliée avec ma part d’ombre, ma Bête !

Maryssa Rachel a publié plusieurs livres chez JDH

Maryssa Rachel

Bianca Bastiani auteure.