» Le chant des Brisants », une suite de « La Pluie Soleil » par Alain MAUFINET

Bonjour,

 

Que diriez-vous de découvrir un de mes romans ?

https://jdheditions.fr/produit/le-chant-des-brisants/

 

Ah la surprenante phase de vie ! J’avoue en avoir connue une semblable en Somalie, à quelques détails près. Notre avion était tombé en panne, à l’atterrissage…

 

« La partie internationale de l’aéroport ressemble à une salle de classe du début du siècle. Claire pénètre la première, dans la grande pièce vide. Des bancs et des tables en bois alignés offrent un confort sommaire. Elle est bordée par des boutiques fermées, qui semblent, pour la plupart, contenir peu de marchandises. De rares articles de luxe entourent une multitude d’objets issus de l’artisanat local. Une épaisse couche de poussière protège le mobilier. Sur un côté du vaste local, des éclats de voix filtrent à travers les battants d’une porte. Ils indiquent une autre pièce latérale.

Les heures se succèdent. La chaleur étouffante est brassée par les pales déformées d’énormes ventilateurs qui tournent sans entrain. Aucune indication précise ne vient soulager l’attente qui redevient, progressivement pénible. L’agent de la compagnie fait des va et vient entre l’avion et le bâtiment principal de l’aéroport. A chaque retour, il affirme sans conviction que tout se déroule normalement. Un groupe de militaires est en réunion dans la pièce latérale d’où fusent, quelquefois, des rires tonitruants. Un serveur traverse la grande salle. Il porte un énorme plateau, où une trentaine de tasses, de café fumant, sont alignées. Tout en marchant, tout en chantonnant, il prend une petite gorgée dans chaque récipient. Le temps de parcourir la longueur de la salle, il a réussi à tremper ses lèvres dans toutes les tasses. Devant les battants de la porte de la pièce latérale, il marque un temps d’arrêt, en prenant une mine sérieuse. Il tire sur sa chemise sale et déchirée, redresse un nœud papillon qui ressemble à un bout de ficelle, et pénètre en portant son plateau à bout de bras. Il ressort, peu de temps après. Cette fois, le support plat est vide. Notre homme repart, en jetant le plateau au-dessus de sa tête et en sautant pour le rattraper.

Enfin, une bonne nouvelle franchit les lèvres du représentant de la compagnie. « Vous repartez dans trente minutes. » Un sourire de satisfaction parcourt chaque rangée. Les conversations fusent. Chacun s’anime, en rassemblant ses affaires, et en se tenant prêt à franchir environ cinq cents mètres balayés par des rayons de feu.

Soudain, une dizaine de soldats pénètrent dans la salle. Ils s’avancent, précédés par une insupportable odeur de transpiration. Ils heurtent volontairement le mobilier, avec leurs crosses. Ils promènent des yeux chargés de haine sur les touristes qui se taisent, se regroupent, et oublient la dernière bonne nouvelle. La peur enveloppe les passagers. Côté rue, par une des portes vitrées, Arnaud aperçoit des hommes et des femmes qui agitent leurs poings et crient. Un haut parleur lointain diffuse des messages incompréhensibles, mais aux accents très désagréables pour des voyageurs européens. Un des soldats se détache et avance en titubant vers la première rangée de chaises. Il se dresse devant Madame Stevens, qui reste absorbée par le magazine qu’elle feuillette. Il l’interpelle grossièrement, elle lève lentement la tête. Il hurle une phrase qui n’annonce rien de sympathique. Le représentant de la compagnie essaye de s’interposer. Il tente d’expliquer qu’une zone internationale est protégée par des règles, que tout pays doit respecter. Il recule devant l’attitude menaçante et le rictus méprisant de celui qui mène la horde ; Groupe indiscipliné qui, l’arme à la main, est prêt à intervenir. Un vent de panique secoue l’assemblée. Un avant-bras noir tire Claire au milieu de l’allée. Elle reste digne. Arnaud s’avance. Refusant d’assister à l’agression de sa protégée, n’acceptant pas de voir des doigts agressifs, tacher et souiller celle qu’il idéalise, il s’interpose fièrement, comme tous les héros de son enfance. Il bouscule l’agresseur. Il se place entre Claire et les militaires. Il ordonne.

« Dehors… Dehors. »

Il pointe un doigt vengeur, tel Pâris protégeant Hélène. Les hommes, aux uniformes couverts de crasse, de poussière et de souillure, reculent devant son attitude. Les uns oublient leur nombre et leurs armes, les autres admirent l’audace et le courage. Arnaud répète, fier de ce retournement de situation, avec force et distinctement.

« Arrière… Arrière. »

Le chef du groupe secoue la tête, il pointe son fusil vers Arnaud. Il hurle à son tour, il tremble. Arnaud ne bouge pas, il éclate de rire, d’un rire bruyant, d’un rire de mépris, d’un rire sans peur. Dans le silence d’une salle immense, deux hommes s’affrontent. Le premier n’est plus convaincu de sa force. Pourtant, il ne doit pas, il ne peut pas accepter l’échec devant ses hommes. Le second se sent invincible, il doit protéger Claire, défendre Hélène. Les secondes ressemblent quelquefois à des minutes, à des heures. Le militaire avance d’un pas, Arnaud progresse de deux et saisit l’arme qui touche sa poitrine. Il hausse les épaules, et désigne au soldat une fourmi qui chemine indifférente au duel. De son talon droit, il écrase consciencieusement l’insecte, en faisant comprendre au galonné qu’il l’identifie à la fourmi. Le représentant de la compagnie vacille, les touristes blêmissent, les soldats serrent les poings. Les respirations s’arrêtent. Claire parle dans un souffle, impressionnée.

« Attention… Soyez prudent jeune homme. »

 

Extrait de « La pluie soleil » qui a précédé et inspiré « Le chant des Brisants ».