Le Conseil des Cinq cents & Le Conseil des Anciens

 

«Les Cinq cents sont l’imagination de la République, les Anciens en seront la raison».

Boissy d’Anglas

 

Le 4 floréal an III (23 avril 1795), la Convention confie à une commission le soin de rédiger un projet d’une nouvelle constitution. Le conseil des cinq cents est l’une des deux assemblées législatives françaises du Directoire, avec le Conseil des Anciens. Elle sera instituée par la Constitution de l’an III, et entrera en vigueur le 23 septembre 1795. Le Conseil siégera au Palais Bourbon à partir du 21 janvier 1798. Les bonapartistes conserveront l’adresse.

La Constitution de l’an III mettra ainsi en place un pouvoir législatif bicaméral (chambre haute et chambre basse) qui comprendra le Conseil des Cinq cents (chambre basse) dite assemblée législatives de première instance et le Conseil des Anciens, (chambre haute), qui examinera les textes de loi en seconde lecture. Le schéma s’inspire de la Grèce antique et du système anglais, encore en place de nos jours, qui comprend aussi une chambre basse (la Chambre des communes) et une haute assemblée (la Chambre des lords). Ce système politique et législatif était censé exercer un contre-pouvoir pour annihiler les excès qui venaient d’entacher la Révolution française, comme ce fut le cas sous la dictature de Robespierre.

Le Conseil des Cinq cents sera dissous par Napoléon Bonaparte suite au « putsch » du 18 brumaire. Mais l’idée survivra malgré tout. En fait, dans son fonctionnement global, ce système peut en grande partie s’identifier à l’actuel système bicamériste français qui comprend Sénat et Chambre des députés. Avec quelques nuances cependant.

Composition et fonctionnement

 Sur le papier : «Ce conseil était composé de cinq cents membres élus au suffrage censitaire, âgés de plus de 30 ans et résidant depuis au moins dix ans sur le territoire national. Les citoyens de chaque canton, hommes majeurs de vingt et un ans, payant une contribution directe ou justifiant de services militaires actifs dans l’armée et résidant en France depuis au moins un an, se réunissaient en assemblées primaires afin de désigner un «grand électeur» pour 200 habitants. Ces électeurs formant au sein de chaque département une assemblée électorale élisant les membres du Corps législatif. Renouvelé par tiers chaque année, le Conseil des Cinq cents est chargé d’établir les propositions de lois, de voter les résolutions qui sont soumises ensuite à l’approbation du Conseil des Anciens auquel il présente également la liste des candidats pour l’élection des cinq directeurs. Pour ce faire, le Conseil des Cinq cents élit une liste de 50 noms qu’il transmet au Conseil des Anciens, qui n’en retient que 5 : les nouveaux directeurs. Ceux-ci (comme les Anciens) doivent avoir au moins 40 ans et ne peuvent être réélus s’ils sont sortants.»

Du Directoire au Consulat

 Pourtant, le système fonctionnera mal. La séparation des pouvoirs était trop stricte et trop encadrée et les ententes entre ces deux Conseils, comme entre leurs acteurs principaux, était une utopie républicaine. Ce régime d’assemblée sera ponctué par une suite de tentatives de coups d’État manqués. À noter que les récentes libertés de la presse mettront un peu plus de sel sur les plaies politiques de l’époque. Il s’ajoutera aussi au tableau, une crise économique complexe et nouvelle, la monnaie papier et les cours internationaux des marchandises fustigeant le trésor français comme sa politique.

Le coup d’État du 18 Brumaire (9 novembre 1799) décidera de la fin annoncée du Conseil des cinq cents : 3 des cinq Directeurs démissionneront, 2 autres seront mis en garde à vue par la nouvelle police de Bonaparte.

Le 10 novembre 1799, les députés du Conseil des Cinq cents votent la préparation d’une nouvelle constitution. Le 12 novembre 1799, 3 consuls sont désignés : Bonaparte, Sieyès et Ducos. C’est le début du Consulat. Le 13 décembre 1799, la Constitution de l’an VIII est adoptée. Le 26 décembre 1799, Bonaparte dissout le Conseil des cinq cents qui sera remplacé par le Corps législatif le 1er janvier 1800.

Le Conseil des Anciens

«Le Conseil des Cinq cents proposant les lois, le Conseil des Anciens décidant.»

Il partage alors le pouvoir avec le Directoire exécutif. Le Conseil des Anciens peut être considéré comme l’ancêtre du Sénat que nous connaissons sous la Ve république. Siégeant au palais des Tuileries, les anciens approuvent ou rejettent les résolutions prises par le Conseil des Cinq cents, et ils élisent les directeurs du pouvoir exécutif. Son président est désigné pour une durée ne pouvant excéder un mois. Ce qui laisse déjà présager, sur le papier, de l’inefficacité comme de la portée de ses actions. De plus, il se rallie selon les saisons, à différentes mouvances politiques et surtout à l’état des finances du pays.

Ce conseil, qui se veut sage (n’y sont acceptés que des hommes mûrs, de plus de 40 ans, l’espérance de vie pour un individu mâle est alors de 27 ans en moyenne) est donc, comme nous l’avons vu, l’une des deux assemblées législatives françaises du Directoire, avec le Conseil des Cinq cents. Ces deux conseils sont issus, dans leur création et dans leurs mises en place, d’une seule et même crainte des instantes dirigeantes postrévolutionnaire : la peur du suffrage universel. En conséquence, ces deux assemblées sont les fruits du suffrage censitaire.

Et pourquoi opter pour le suffrage censitaire ? Ce qui est à la base une hérésie pour la Révolution française… Parce que de l’avis commun, il faut justement en finir avec la révolution. La terminer. Clore le dossier. Et, dans la logique des représentants du peuple, légiférants et votants, c’est à la bourgeoisie modérée et inscrite « aux sièges » qu’incombe la mission. D’autre part, le fonctionnement politique de l’Angleterre fait toujours rêver les intellectuels de l’époque, comme nous l’avons évoqué précédemment. L’abolition totale des privilèges, grand précepte révolutionnaire qui va de pair avec l’égalité des droits pour chaque citoyen, était une belle idée, digne et humaine et inscrite dans le précepte de sociabilité et de citoyenneté qui justement est le fondement de l’appellation d’origine contrôlée libertaire et révolutionnaire. Mais, si l’après 89 et la terreur en montreront vite les limites, Robespierre et ses succubes enfonceront le clou. Que restera-t-il alors des lumières de ce siècle pour les générations suivantes ?

Peut-être simplement des idées.

Des livres.

Et certainement des ossements et des cendres de conséquences.

 

Le bicaméralisme est défendu en principal et dans le texte par les monarchiens qui justifient par l’acte l’existence d’une chambre haute pour représenter la noblesse, classe dirigeante devenue minoritaire par la force des choses. Entre 1789 et 1795, entre assassinats, tribunaux avec sentences et exilés volontaires ou forcés, la noblesse française est relativement mal représentée sur le territoire. Mais elle reste influente. Surtout en politique extérieure. Il est décidé alors, en contrepartie, que sur le modèle de la Chambre des lords anglais, la chambre basse représentera le peuple et la bourgeoisie. À la chambre basse idées et propositions de lois, à la chambre haute de valider ou non les agitations législatives de ce petit peuple turbulent se croyant seul au monde. Mais ne faut-il pas que jeunesse se passe et que d’un autre côté, les sénateurs mènent bon train ?

En 1799, la majorité est favorable au coup d’État du 18 Brumaire qui porte au pouvoir le général Bonaparte. Avec les conséquences « romaines » que l’on sait. Le Conseil est donc supprimé le 10 novembre 1799.

Yoann Laurent Rouault, extrait choisi du « grand livre des constitutions & de la France des révolutions » à paraitre prochainement.