Les préfaces.

La préface dans le monde du livre est souvent considérée comme une contrainte. Voir comme une convenance. Ou un passage obligé. Elle est d’ailleurs, souvent liée au prestige d’une collection définie par l’éditeur et la direction littéraire. La préface fait partie de la finition. De l’habillage du livre. Le corps étant le texte et la couverture étant un instantané de son âme.

Pour la production, la préface est souvent synonyme de retard et de soucis, comme de mails supplémentaires. Pas toujours évidente à caler, souvent plus longue ou plus courte que prévu pour la mise en page dédiée, elle donne du travail supplémentaire à la correction et demande un contrat supplémentaire au secrétariat d’édition.

De tous les auteurs que je fréquente amicalement, pas un n’a la même vision de la chose. Pour certains,  la préface est démodée. Inutile. Voire encombrante. Ceux-là argueront en principale que plus personne ne lit les préfaces. Que c’est du temps de perdu et que c’est un exercice casse-gueule.

Pour d’autres, c’est un mal nécessaire, surtout si l’auteur sort du cadre du roman. Pour eux, la préface doit être alors un éclairage supplémentaire et distinct sur le sujet. C’est aussi une façon élégante d’inviter quelqu’un sur le papier et de cautionner le livre par ses propos. De l’anoblir, en quelque sorte.

Pour d’autres, c’est une tannée. Un exercice périlleux qu’ils ne savent pas par quel bout prendre. Qui demande beaucoup de travail et qui génère autant de stress que la rédaction d’un quatrième de couverture. Bref, une épreuve scolaire.

Pour d’autres encore, c’est une reconnaissance, une confirmation de leur statut d’écrivain.  Certains voient comme un cadeau de recevoir la préface d’un autre auteur pour leur livre, et définissent comme flatteur d’en faire eux-mêmes pour un autre. C’est presque « bourgeois ». Patrimoniale.

La préface amicale reste la préférée des auteurs, après un court sondage. Quoi de plus sympa que de recevoir un texte qui s’inclut à votre livre, surtout si ce texte vient d’un ami proche ou d’une personne admirée, voire dans certains cas, envisager…     J’ai parfois lu des préfaces amoureuses…

Il y a aussi le cas purement éditorial, où la préface demande un spécialiste du sujet, quelqu’un d’impliqué professionnellement dans la thématique abordée. Surtout si l’auteur est moins connu dans le domaine que le préfacier. Là, nous sommes davantage dans un rapport universitaire, voire un rapport prof-élève.

Pour moi, la préface est  la maîtresse volage d’un livre. Une sorte d’amante de papier, rigoriste ou vaporeuse, drôle ou  sévère, classique ou décalée. Elle n’est pas toujours utile. Mais quand elle l’est, elle doit être séduisante.  Mini jupe et talons hauts… au minimum. Pulpeuse.  Aguicheuse.

Rien de pire qu’une préface plate ou anémique.

Rien de pire qu’une vieille fille de papier.

Mais, d’un point de vue professionnel, cependant , un élément est à prendre en compte. Un préfacier connu, voire très connu, ne changera pas grand-chose au chiffre de vente du livre. Dans le réseau de l’auteur, un peu plus, certes, mais pour le lecteur « anonyme », non.

C’est un fait, et je le constate par expérience, pas seulement dans notre maison, mais aussi dans le milieu de l’édition.

 

Yoann Laurent-Rouault, directeur littéraire.