Philippe Caubère, acteur protéiforme

Le 5 janvier 2020, peu avant le premier confinement, j’ai assisté au Théâtre du Rond-Point à Paris, à la dernière des aventures de Ferdinand*, l’alter ego de théâtre de Philippe Caubère. Ovationné par le public pendant plus de dix minutes, il a été rejoint sur la scène par Jean-Michel Ribes, le directeur de l’établissement que l’acteur avait inauguré en 2002 avec l’un de ses spectacles. Adieux du public très  chaleureux et émouvants, pour celui qui clôturait, après presque 40 ans, son œuvre monumentale « Le roman d’un acteur» et « L’homme qui danse », composée de pas moins de 22 spectacles de près de 3 heures chacun, qu’il a écrits, mis en œuvre et joués seul en scène, depuis le premier d’entre-eux : « La danse du diable », présenté en 1981 au Festival d’Avignon.

Interprétant tour à tour son double (qu’il a appelé Ferdinand suite à sa lecture de Mort à crédit de Céline), ses deux mères – Claudine, la vraie, et Ariane Mnouchkine, celle de substitution, directrice du Théâtre du Soleil qui en avait fait un des piliers de sa troupe entre 1970 et 1977 – il changeait de personnalité en un instant pour jouer également les autres personnages de ses pièces : Clémence, la compagne de ses débuts, ses potes Bruno, Max, Jean-Marie, mais aussi Johnny Halliday son idole et même la foule venue l’applaudir, De Gaulle, Sartre, Mauriac. Quand il le fallait, il se transformait en téléphone, en avion, en vélomoteur ou en 2 CV Citroën.

Cet acteur protéiforme, athlétique, bondissant, virevoltant, grimaçant, enchanteur, gracieux, se pliant et se dépliant, s’employant et se déployant, jouait ses années de jeunesse comme si sa vie en dépendait et offrait au public des spectacles hilarants, tendres et poétiques.

Avec « Adieu Ferdinand ! Suite et fin », c’est toute une page du théâtre français qui s’est tournée et le public est devenu orphelin. Des orphelins pas tout à fait inconsolables : si Ferdinand s’en est allé, Caubère continue avec  les Lettres de mon moulin d’Alphonse Daudet. Après les avoir jouées deux mois au théâtre de l’Œuvre à Paris, l’acteur démarre une tournée en France et nous embarque avec lui, toujours seul en scène, dans le monde de l’enfance et des paysages de Provence. Courez le voir. Vous ne le regretterez pas.

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* « Adieu Ferdinand ! Suite et  Fin », formé de trois spectacles : « la Baleine et le camp naturiste », « le casino de Namur I » et « le casino de Namur II »

Thomas Degré, auteur de La demoiselle de nulle part, que l’on peut commander  sur le site de JDH : https://jdheditions.fr/produit/la-demoiselle-de-nulle-part/ , ainsi que  dans toute librairie et sur les plateformes de vente en ligne comme Amazon, Fnac, etc