La dédicace.

Ce n’est jamais évident pour un auteur de dédicacer son œuvre à une personne en particulier. Premièrement parce que ladite œuvre peut ne pas plaire à la personne choisie, ensuite parce qu’il faut justement choisir à qui faire cette fameuse dédicace. Sans avoir ensuite de regret et surtout sans vexer personne.

Inscrire un simple prénom, surtout féminin, peut prêter à confusion et entraîner des situations pour le moins absconses. Voire difficiles. Je laisse à votre esprit subtil le soin d’imaginer les différents cas de figure.

Par exemple à notre époque, dédicacer généreusement un livre à « l’amour de sa vie » est dangereux. Très.

Même si le thème principal de l’œuvre en est justement l’amour. En cas de problèmes, de confusions des genres ou de myopie excessive, les conséquences d’un tel acte peuvent être lourdes. Et elles peuvent compromettre irrémédiablement la suite. L’histoire a montré que des gouvernements sont tombés pour moins que ça. Et que dans le cas de figure évoqué, des rois ont abdiqué et des empereurs ont renoncé.

Une dédicace est donc un peu comme un tatouage. Elle est indélébile. Et le problème est qu’aujourd’hui nous ne mourrons plus à trente ans, que nous avons plusieurs histoires en une vie et que le romantisme est devenu une valeur dépréciée. Aujourd’hui, Roméo a un smartphone dans la poche. Il n’attend plus sa Juliette sous un balcon, sauf peut-être entre deux averses. La lettre d’amour est devenue quelques caractères numériques envoyés sur le coup du ressentiment, plus que dans le sentiment. Et, elle est écrite avec les pouces, de surcroît.

À notre triste époque, Cyrano de Bergerac se serait fait refaire le nez pour séduire cette emmerdeuse de Roxanne. Peut-être même que les assurances sociales auraient remboursé le chantier, au nom de la normalité obligée qui sévit aujourd’hui. Au nom de la pensée unique et du politiquement correcte.

Donc pour l’auteur, il faut mieux éviter la dédicace amoureuse, sinon,  il pourrait avoir, dans un futur plus au moins proche, à le regretter. Avec ou sans convocation au tribunal. Avec ou sans chirurgie réparatrice.

Je préconise donc de rester flou quant au choix de la personne, les paroles s’envolent, les écrits restent, ne sortons pas de l’idée.

 

YLR