Patient ou client ? Par YLR.

Patient ou client ?

 

Ce titre fait référence à la médecine d’aujourd’hui et appel à un passé que les moins de quarante ans ne peuvent que difficilement connaître. Ayant consulté récemment, et n’ayant plus de médecin généraliste attitré depuis belle lurette, je vagabonde.

À la recherche de celui qui pourra remplacer mon vieux toubib parti en retraite. Qui aura cette valeur humaine rare. Qui pourra me diagnostiquer comme lui d’un simple regard lorsque je rentre dans son cabinet. Qui connaîtra mes antécédents personnels et familiaux sans avoir recours à son ordinateur. Bref, qui me traitera en patient.

Ce docteur, non seulement ne vous faisait que très rarement attendre, c’est-à-dire qu’il ne prenait pas un rendez-vous toutes les 10 minutes, voir des rendez-vous en doublons, mais en plus, il ne comptait pas le nombre de pathologies par rendez-vous. C’est-à-dire que vous pouviez passer d’un problème d’estomac à un problème de sinusite à un problème de verrue plantaire dans la même séance.

Fou, non ?

Aujourd’hui, ceux que je consulte, à regret,  dégainent le spécialiste comme Manuel Valls autrefois, le 49.3. Donc, non seulement votre estomac reste en vrac, mais en plus il faut attendre trois mois pour consulter un spécialiste.

-« Quant à votre sinusite, et bien, nous verrons ça au prochain rendez-vous…

– Pour la verrue plantaire ?

– Prenez rendez-vous chez un rebouteux, sinon essayez des crèmes, sinon le dermatologue, mais il y a 6 mois d’attente…

– Voilà, c’est 25 euros…  Je ne prends pas la carte bleue… Au suivant ! »

Un vrai bonheur!

Et je ne parle pas du dentiste sur qui j’ai failli pratiquer une délocalisation des molaires… 5 rendez-vous pour soigner une carie, qui dit mieux ?

Certainement pas la sécurité sociale.

Voleur de temps, d’argent, et qui en plus vous laisse souffrir impunément. Vivement la saison de la chasse.

Ce qui me pousse à me poser une question: le patient ne serait-il pas devenu, avec le temps, comme ça, insidieusement, un client ?

Voir un otage d’un système odieux bourré de protocoles plus cons les uns que les autres, de surcroît, mais qui balise un parcours de soins extrêmement rémunérateur pour ses fournisseurs et ses acteurs?

Et le médecin généraliste ne serait-il pas devenu une sorte de tour-opérateur pour cliniciens ?

Pour moi, et cela n’engage que moi, le mot patient ne veut plus rien dire. Je ne vois pas pourquoi, les cabinets médicaux n’ont pas une dénomination commerciale. Et ne paye pas les charges afférentes plutôt que de vampiriser le système. Mon frère est garagiste, mon cousin est médecin, et quand ils parlent boutique, ils s’entendent très bien…

Je suis écœuré de voir cette génération de praticiens faire d’Hippocrate un milliardaire égocentrique et golfeur.

YLR

Extrait du serment d’Hippocrate.

« Je dirigerai le régime des malades à leur avantage, suivant mes forces et mon jugement, et je m’abstiendrai de tout mal et de toute injustice. Je ne remettrai à personne du poison, si on m’en demande, ni ne prendrai l’initiative d’une pareille suggestion ; semblablement, je ne remettrai à aucune femme un pessaire2 abortif. Je passerai ma vie et j’exercerai mon art dans l’innocence et la pureté.

Je ne pratiquerai pas l’opération de la taille3, je la laisserai aux gens qui s’en occupent.

Dans quelque maison que j’entre, j’y entrerai pour l’utilité des malades, me préservant de tout méfait volontaire et corrupteur, et surtout de la séduction des femmes et des garçons, libres ou esclaves.

Quoi que je voie ou entende dans la société pendant, ou même hors de l’exercice de ma profession, je tairai ce qui n’a jamais besoin d’être divulgué, regardant la discrétion comme un devoir en pareil cas.

Si je remplis ce serment sans l’enfreindre, qu’il me soit donné de jouir heureusement de la vie et de ma profession, honoré à jamais des hommes ; si je le viole et que je me parjure, puissé-je avoir un sort contraire ! »