Amour, gloire et beauté. Par Yoann Laurent-Rouault.

Amour, gloire et beauté.

 

La quatrième de couverture est un exercice de rédaction extrêmement périlleux et délicat. Un véritable stress pour qui la rédige et quand l’inspiration n’est pas au rendez-vous, elle devient une véritable galère. Car elle n’appartient pas à l’auteur, mais à l’éditeur et à la collection qui abritera l’écrit. C’est à ses premiers lecteurs, à ceux qui ont défloré le texte, de lui donner vie.  À ceux qui font que le livre devient livre. C’est un parti pris que nous avons dans la maison JDH.

Pour ma part, je vois la quatrième de couverture comme l’amante du texte et comme le corps de la couverture. La couverture du livre devenant son vêtement.

Elle doit être séductrice, attirante et vampire, dévoiler juste ce qu’il faut de son histoire pour aiguiser les appétits, pour laisser le lecteur envisager, imaginer, fantasmer…

Et elle doit être suffisamment intéressante pour non seulement le convaincre d’aller jusqu’au bout avec elle, mais aussi de rester entre ses mains et d’être invitée chez lui à la tombée de la nuit.

Elle ne doit surtout pas trop en dire, se servir de l’ambiance du texte, se projeter dans l’esprit du lecteur et se faire aimer aux premiers mots. Une quatrième réussie, c’est Marilyn qui chante « Happy birthday mister président », c’est Ursula qui sort de l’eau un coquillage à la main,  Emmanuelle qui danse nue sous la cascade, Sharon qui croise ses jambes de rêve, Scarlett qui est peinte par Vermeer…

La quatrième est une rencontre, le lien intime entre les lecteurs et l’auteur. Entre l’éditeur et le libraire. Entre votre achat et l’oubli.

Elle est une séductrice qui doit naviguer sur son propre mystère  et sur la mise en abîme des sentiments. C’est-à-dire sur vos  sentiments propres et sur ceux de l’auteur. Peu importe sa tenue, après tout, elle a du goût, et elle sera forcément un atout supplémentaire pour l’œuvre, une vraie peau et non habillage de circonstance. On doit entendre sa voix, on doit sentir sa chaleur et on doit respirer son parfum. Comme je le répète souvent, la quatrième et la couverture sont le corps du livre et le texte est son âme.

Pour un auteur, rédiger cette fameuse page qui sera la dernière de son livre est bien souvent un cauchemar.

Comment donner envie ?

Comment résumer en 200 mots un texte qui en contient des dizaines de milliers ?

Quelles idées doivent dominer ?

Qu’est-ce qui est le plus important : le style ou le contenu, la beauté ou l’efficacité ?

Que dois-je faire ou ne pas faire ?

Quelle révélation ne dois-je surtout pas faire ?

Et des tas d’autres questions encore…

La problématique est vaste.

C’est aussi, cette quatrième, le premier pas de l’auteur vers le renoncement à son œuvre, c’est-à-dire qu’à partir de cet instant, non seulement le livre lui échappe, mais il va vivre sa vie sans lui. Avec d’autres que lui.

Et ils auront un avis.

Et ils seront critiques.

Et ils aimeront ou non.

Et, pour le directeur littéraire que je suis, comme pour les directeurs de collection et l’éditeur lui-même, croyez bien que chaque livre est un défi, et que la quatrième est sur la première marche du podium avec la couverture, car les deux sont indissociables.

Et que l’avenir du livre en dépend.

 

Yoann Laurent-Rouault.