F r a n c k    A N T U N E S Le Petit Chaperon rouge 2020

F r a n c k    A N T U N E S

Le Petit Chaperon rouge 2020

 

Il était une fois, une petite fille d’une petite ville puisque les villages n’existent plus.

Oh, la plus jolie qu’on eut su voir, si on l’avait vu derrière son masque.

Sa mère était folle à force de rester cloitrée, plus folle encore et malheureuse était sa grand-mère dans son mouroir appelé hygiéniquement EHPAD pour ne pas effrayer.

Habillée d’une veste de jogging AdiNike rouge à capuche qui lui seyait aussi bien qu’à une influence de Tok-Tok, notre insupportable jeunette fut poussée hors du confinement (avec l’attestation idoine dument remplie collée sur le front) pour amener quelques masques et gels hydroalcooliques, ainsi qu’un peu de réconfort monnayable à sa mère-grand.

Faisant son chemin dans un bus vide à l’exception d’un chauffeur empli de frousse à l’idée d’une attaque terroriste et d’un fort loup des banlieues à imper vert, la pauvre enfant têtue ne savait pas qu’un danger plus grand que la COVID rodait.

  • Je vais voir ma grand-mère, qu’est-ce tu m’emmerdes ?! Dit-elle à l’importun carnassier qui l’abordait.

Le loup l’a suivie à pas d’homme et à l’orée d’un restaurant désert, à deux enjambées d’une échoppe de libraire vide comme d’habitude mais abandonnée cette fois, tenta de la croquer !

  • M’enfin que fais-tu ?! Dit notre petite ingénue à la jupe bien trop courte (d’après les critères scientifiques du rectorat académique). Manger de la viande n’est pas sain, les maladies, la pollution des élevages d’enfants intensifs et la morale te gâteront les dents ! Un loup se doit maintenant d’être végétarien, compris !

A ces mots, notre grand benêt carnivore se contrit en lamentations et en excuses aussi plates que des flageolets.

  • Pour te pardonner (et t’éviter un procès), je te confie mon sac garanti en poils de populistes recyclés et garni de choses pour sauver. Tu me ramèneras les 50 balles que je devais extorquer à mon aïeule ! Aboya la mijaurée des temps modernes.

Ayant brillamment parcouru les 100m menant au lit de la grand-mère grâce aux compétences orbitales d’un GPS intégré à sa Rolix, le loup dut se laver les mains, tirer sur la chevillette, attendre que la bobinette cherra, tout en se lavant encore les mains.

A l’entrée de la bête dans l’espace confiné, se fut un massacre…

Trompée par le masque qui faisait ressembler le loup à un cochon de lait, la vieille dame l’empoigna, le découpa, et faisant fit (comme tout baby-boomers) du sauvetage de la biodiversité et du réchauffement planétaire, le dégusta en un barbecue savoureux.

Mademoiselle Chaperon l’attendit longtemps en dialoguant des insanités avec des anonymes sur son joujou portable, si bien qu’elle en oublia l’heure du couvre-feu.

La Police, alertée pour des badauds bien intentionnés, la coursa victorieusement jusqu’au quartier pour se faire rémunérer les 135€ de déplacement.

Les loups ne sont plus ceux qu’ils étaient, en 2020.