La bête et la belle.

Bonjour,

Ce soir, dans une taverne bruyante d’une île lointaine des corsaires qui servent l’empire évoquent les vents et les vagues, les pavillons et les butins. Des flots de fumée et de mauvaise haleine sortent de bouches édentées. Dans leurs yeux fous d’exploits sauvages, de risques insensés, de fortunes rapides, les reflets d’une course rapide apparaissent. Je vous propose de traduire ce qu’ils décrivent, entre deux gorgées de rhum ou de mauvais vin. Certains chantent et boivent. D’autres vacillent sous les flambeaux :

— La mer se confond avec le ciel, le vent s’affole, les cordes se tendent, les voiles se gonflent à se déchirer en gémissant. À l’horizon, une proie surgit, c’est un vaisseau marchand anglais, de fort tonnage, perdu dans la tempête. Une poursuite inégale s’engage. Elle s’achève par le choc des deux coques qui déclenchent clameurs et combats. Les Malouins glissent sur les cordes et les ponts. Des éclairs d’acier prolongent les bras. La lutte est brève et violente, rythmée par les éclairs d’un orage. Les derniers défenseurs s’écroulent sous les sabres déchaînés. La cargaison change de soute. Les canons éventrent alors le lourd navire britannique. Le voilier de course s’éloigne. Le capitaine de la meute ouvre une caisse. Il sourit en regardant les livres qu’il ramène à terre. Il regarde les traits d’encre qu’il ne sait pas déchiffrer. Personne n’en veut. Il va les offrir à une princesse qui saura le remercier pour un tel présent. Peu lui importe les robes et les bijoux, elle n’apprécie que les romans.