Voici en deux articles, en une charge éditoriale de l’édredon contre le Canard enchaîné, qui a nui sévèrement à l’un de nos auteurs. Sévèrement et gravement. Le rédacteur en chef que je suis, certes modeste, d’une non moins modeste revue littéraire du web, mais motivé, vous propose donc une partie de chasse en deux articles, sur cet emplumé médiatique mal palmé, qui nous a fortement contrariés. Puisqu’ils ne nous accordent pas un droit de réponse. Contrairement à la rédaction de France 3 ou à la Dépêche du midi avec qui c’est en cours. Relais d’un article infamant issu de la rédaction du volubile volatile.
L’aviaire en grippe. 1/2
J’aimai bien, autrefois, de temps à autre, dans une vie qui fut urbaine, moderne et trépidante, aller le matin, à l’heure de la reprise des fonctionnaires, m’asseoir en terrasse d’une brasserie, café croissant, sans crème, un sucre, et lire Le canard enchaîné, en tirant mollement sur une Lucky.
C’était à une époque que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître, une époque où la presse française se divisait en catégories distinctes et homologuées chez Darwin et Wallace depuis 1858. Dans ce classement des genres, il y avait tout d’abord la presse dite « sérieuse » avec en proue, Le Figaro, Le Monde, L’Express, Le Point et quelques autres. Il y avait ensuite la presse « quotidienne », avec Sud Ouest et Ouest France entre autres titres régionaux, qui étaient elle la grande fournisseuse de faits divers et la pourvoyeuse de ragots municipaux. Ensuite, on trouvait la presse spécialisée, qui allait de l’histoire avec un grand « H » aux macramés de tata Odette en passant par la mode et les travers, puis la presse « underground » avec des titres comme Actuel, les « Inrock » ou Newlook par exemple. Et puis, il existait une presse qui n’était pas reconnue comme telle, contrairement à aujourd’hui : la presse à scandale à tendance people ou non. « Voici », « Détective »… Et pour finir la presse humoristique, du Hérisson à L’écho des savanes, en passant par Fluide et Charlie. La classification de genres était simple, rugueuse presque. On lisait politique, culturel, on feuilletait pour s’informer, pour réfléchir, pour s’instruire, pour se détendre ou pour rire. Dans l’essentiel. Dans l’essentiel et à l’envie.
Aujourd’hui, comme disait ma grand-mère, en kiosque, « une truie n’y retrouverait pas ses petits ». Le classement de genre a changé. Oserais-je d’ailleurs utiliser le terme « partouzé » plutôt que « changé » ? Certainement pas, je n’ai pas encore ma carte du syndicat. Et il a changé ce classement, parce que le Net a supplanté la presse papier. Foin du tirage, le conduit est bouché. Foin des gros titres littéraires brillants d’intelligences, au profit de bons vieux « tu montes, chéri ? », foin des titres sans appel ou encore des trouvailles géniales comme ce titre de Hara-kiri au lendemain de la mort du Général dans l’édition du 16 novembre 1970 : « Bal tragique à Colombey : 1 mort. »
Ce qui compte aujourd’hui sur le Net, c’est le nombre de vues. De clics, comme on disait du temps ou un président confondait la souris avec le mulot. Alors, on racole, on solde, on vend, on prospecte l’annonceur et pour fin de solde, on n’espère plus un tirage, ni un grand feu, mais une contamination virale. Une épidémie réseautique et décérébrée, où chaque rédacteur pique au précédent son article et le place sous l’étiquette de sa paroisse. Nous y reviendrons dans la suite de cet article.
Autrefois, j’aimais bien le Canard. Caustique, informé, le journal se donnait une conscience contemporaine intéressante et originale. Combien de scandales politiques a-t-il dévoilés ? Combien de scandale financier ?
Le Canard avait une vocation nationale et se posait contre l’immoralité en agitant le drapeau « immaculé » de la liberté de la presse. Mais ça, c’était avant.
Avant que la France ne se retrouve à la 26e place du classement mondial concernant la liberté de la presse. C’est vous dire si comme pour les médailles des jeux Olympiques, le pays est à la bourre ! D’ailleurs, je constate que cela fait une petite décennie que le Canard à une aile plus courte que l’autre et vole en rond. Coin-couac, Couac-coin.
Relisons un peu son histoire, à ce Canard prisonnier, enchaîné, entravé par son époque, avant de se faire un édredon de ses plumes. Le Canard enchaîné est un hebdomadaire français satirique et d’enquête paraissant le mercredi. Il fut fondé en septembre 1915, et c’est l’un des plus anciens titres de la presse française, encore (malheureusement) actif. Il s’inspira du journal de Clemenceau, c’est dire ! Depuis les années 1960, il s’était spécialisé comme un journal d’enquête révélant nombre d’affaires scandaleuses.
La création du journal durant la Première Guerre mondiale marque son positionnement jusqu’à aujourd’hui. Son cheval de bataille depuis la Première Guerre mondiale serait, selon la source consultée : « la lutte contre la censure et le « bourrage de crâne », le pacifisme et l’antimilitarisme, la dénonciation des profiteurs de toutes sortes ».
Alors, là, chers lecteurs, par rapport au sujet qui me préoccupe, je reste pantois. Vous verrez que ces valeurs datent d’avant le numérique. Voici maintenant, un petit panorama de ses « procès », puisque la rédaction, ou son standard, on ne saurait trop bien dire, puisqu’ils ne se présentent pas quand is décrochent le téléphone, m’a affirmé devant mes protestations concernant le lynchage d’un de nos auteurs, que « le Canard gagne toujours ses procès » :
- En 2019, le canard est accusé « d’espionnage », avec Jean Clémentin, (Jean Manan, rédacteur en chef du journal, rémunéré par le STB tchèque pour espionner en France et ailleurs. Ceci entre 1957 et 1969.
- Le canard est visé en 2022 par une plainte pour abus de biens sociaux et recel d’abus de biens sociaux : le journaliste Christophe Nobili accuse la compagne d’André Escaro, un dessinateur et ancien administrateur du journal, d’avoir bénéficié d’un emploi fictif pendant environ vingt ans, jusqu’à sa retraite en 2020 pour un préjudice estimé à 3 millions d’euros. On n’en dit pas plus, on n’a pas le droit, c’est en cours de jugement. Citons ceci maintenant : Jean-Yves Viollier, un ex-journaliste du Canard, qui écrit sur le blog de l’association anticorruption dont il est membre que la défense de l’hebdomadaire est « à peu près aussi convaincante que Pénélope [Fillon] [source Wikipédia]
- Un vieux journal de « de jeunes ». En septembre 2022, Le Monde décrit un conflit de générations entre l’équipe et les deux directeurs. Nicolas Brimo et Michel Gaillard, respectivement âgés de 72 et 78 ans, sont reconduits à leurs postes en juin 2022, la limite d’âge pour être PDG du Canard ayant disparu des statuts de l’entreprise en 2014. La moyenne d’âge de la rédaction est alors proche de 60 ans. Vous allez me dire, ils ont encore 4 ans de marge. Merci Garovirus premier.
Avant :
- En novembre 2008, Karl Laske et Laurent Valdiguié publient un essai contre Le Canard enchaîné intitulé : Le Vrai Canard. Le texte entend dénoncer le travail, les liens avec des personnalités politiques et l’opacité des finances de cet hebdomadaire. Pour L’Express, il s’agit d’un travail « copieux et minutieux ». Tu m’étonnes, Elton…
- Citons aussi ceci : « En 2013, Jean-Yves Viollier, longtemps collaborateur du journal, publie Un délicieux canard laquais, « roman satirique » qui, de manière à peine voilée, dénonce le manque d’indépendance du Canard enchaîné vis-à-vis des partis politiques au pouvoir. Il lui reproche également des pratiques salariales et des pratiques sociales peu exemplaires en dépit de bénéfices importants et « un décalage entre les idées professées et les pratiques à l’intérieur du journal »
Maintenant :
- En 2019, Le Canard enchaîné connaît un déficit de 0,16 % [soit 34 000 €], notamment à cause de la crise de son partenaire de distribution Presstalis. Ses fonds propres s’élèvent à 129,9 millions d’euros en 2019. Ça rapporte la calomnie organisée. Mais encore faut-il gérer…
Mais le Canard, c’était aussi des manchettes « percutantes », mais ça aussi c’était avant. Jugez plutôt :
- Juste après l’armistice de 1918, le journal titra : « Ouf ! ».
- Après les accords de Munich, le journal titra : « Tchèques… et mat ! »
- Lors de l’élection présidentielle française de 1965, le général de Gaulle, en ballottage face à François Mitterrand, Le Canard titre alors : « De l’appel du 18 juin… à la pelle du 5 décembre ».
- 3 juin 1998 : « Grève des pilotes et inquiétudes sur le Mondial —La France un peu faible sur ses ailes ». La grève des pilotes d’Air France et la Coupe du monde de football 1998 [on est à une semaine du coup d’envoi et les critiques fusent sur Aimé Jacquet]. Ce qui m’inspire un titre : « En vol, comme à terre, un canard n’a pas de pif. » C’est au niveau.
- Lors des grèves du secteur public, en 1991, face aux revendications salariales et aux refus de la Première ministre Édith Cresson d’augmenter les salaires, le journal titra : « Cresson : pas un radis ! ». Ils embauchaient sans doute des pigistes massivement végétariens à la rédaction du journal, à l’époque. Sauf que je ne comprends toujours pas le rapport, sinon potager, entre le cresson, qui s’apparente à une salade [aujourd’hui la spécialité du journal] et un radis, racine s’il en est.
Et ça continue, je vous laisse juge : À la suite de l’accident nucléaire de Fukushima en 2011, le journal a titré « Au Japon, la réalité dépasse la fission ». Au journal, la réalité ne dépasse pas le fion ; ça marche aussi. Concernant la crise de la dette publique grecque, à partir de 2008, il titre par « La crise grecque ? Pas de quoi en faire un dra [ch] me ! ». Et quand il tombe des roubles es malheureux n’ont pas de sacs, connu…
À propos de l’abandon des poursuites contre Dominique Strauss-Kahn aux États-Unis et de la plainte de Tristane Banon, en 2011, Le Canard titre « Les ennuis sont finis pour DSK ? Banon ! » Les sexagénaires de la rédaction découvrent le langage texto. Seul vrai scoop de ces dernières années. Prenons un des derniers titres parus, sous la dernière huitaine, voyons : « Macron : cette fois, ça dépasse la borne ! » Jeu de mots, de madame Grossepaire, de Loches, fidèle lectrice du Canard. En sous-titre : « Hémicycle infernal ». Splendide ! Des titres à 1.50 euro, quoi… le lecteur n’est certes pas volé.
Voilà pour le planter de bâton, pour l’élixir et le flacon, la sauce et le plat de nouilles et dés demain, coïncidence, ça tombe un mercredi, dans la suite de cet article « contagion aviaire journalistique 2/2 », je vous expliquerai, chers et infidèles lecteurs, pourquoi cette chasse au canard.
Yoann Laurent-Rouault.