Le Métronome de nos âmes, un roman de Mélanie TALCOTT

Voilà un livre fort qui porte en lui un souffle puissant aux parfums sauvages. J’ai suivi avec beaucoup de curiosité et d’amour le parcours d’Amah et j’ai plongé tout habillé dans le monde où elle évolue, avec ces personnages atypiques aux personnalités bien trempées. On voyage beaucoup, de l’Afrique à l’Irlande puis de l’Italie à la Turquie avant de parvenir en Inde. Une sorte de voyage initiatique, l’épopée d’une jeune fille à la personnalité surprenante, attachée à la conservation des manuscrits anciens et des livres rares, comme à son frère disparu, personnage central très présent dans le cœur de ce roman. Cette jeune femme est capable de mettre en miette les meilleurs combattants à main nue ou armés de bâtons alors qu’elle est elle-même une rescapée de la vie. Ce livre est en fait une ode à la vie en ce sens qu’il prouve que la mort n’est pas la fin mais peut-être le début.

Il faut parler ensuite de l’écriture de Mélanie Talcott. L’éditeur dit qu’il s’agit d’une écriture de haut vol et l’on s’en aperçoit dès les premières pages. On est embarqué dans les flots d’une pensée où foisonnent des sonorités orientales, celtiques, vénitiennes, turques. J’avoue avoir été charmé par des mots que je n’avais jamais lus, des expressions inédites que je n’avais jamais rencontrées, des tournures somptueuses que je n’avais nullement éprouvées auparavant. C’est cela la magie bienfaisante de l’auteur qui nous berce d’images et de mots profonds. Cela résonne comme une onde qui déferle sur nos âmes.

Et puis il y a toutes ces rencontres, tous ces êtres reliés entre eux et qui ne sont pas là par hasard. A commencer par Neill, le protecteur et l’éminence grise d’Amah, toujours là même si on ne le voit pas, dont les réseaux et l’organisation laissent à penser qu’il est partout et que rien ni personne ne lui résiste, un homme mystérieux et secret, évoluant dans les hautes stratosphères et pourtant si humain.

Car c’est bien d’humanité dont nous parle Mélanie Talcott, une humanité que l’on retrouve partout, dans les êtres, les lieux, les choses. Et la mort n’est pas loin qui nous la rappelle car c’est aussi elle qui nous rend vivant. Eh oui, en cette période un peu compliquée, c’est ce message qu’il faut retenir et qui revient sans cesse : la vie n’existe pas sans la mort, et il n’y a pas de mort sans vie préalable.

Comme je le disais plus tôt, la mort ne veut pas dire que tout est fini. Au contraire. C’est le frère d’Amah, Aedan,  qui nous le rappelle. Cela saute aux yeux quand on lit tous les messages qu’il laisse et sa présence éternelle auprès de sa petite sœur chérie. Nous le suivons pendant toute l’odyssée de ce livre, son charisme rejaillit dans tous les lieux qu’il a traversés et à travers tous les personnages qu’il a croisés. Son violon qui ne le quitte jamais nous accompagne avec ses mélodies féériques. Ce livre est un véritable chant d’amour : l’amour d’un frère et d’une sœur, d’une jeune fille et de son ami d’enfance, des enfants envers leurs parents, l’amour plus fort que tout, la séparation, la disparition, la perte de soi et des siens. Sans oublier l’amour des mots, de la littérature, des livres,

Pour vous en faire une idée, voici quelques extraits :

« Le bruit de l’eau coulant des toits et des gouttières me réveille. J’écarte le rideau. La nuit s’enfuit, mouillée de pluie, le ciel se couvre de trainées blanchâtres. C’est l’heure de mon entraînement…. »

« Roue sur les tapis. Mes pieds nus en périscope. Ma jupe corolle en voile affalée sur mon visage. La table ronde en sextant. Roulés-boulés. La rosace du plafond hexagonal en toupie, les lambris en bois blond glissent les uns sur les autres comme des baguettes d’éventail. Les livres tanguent, s’inclinent, s’étonnent, applaudissent à pleine pages…. »

« Avec une précision qui n’avait d’égal que leur habilité et leur rapidité, notre jardin leur servant d’atelier, ils formaient un canevas rectangulaire, sur lequel ils déposaient une fine couche de kulum, puis une autre plus volumineuse de galvat, jusqu’à obtenir l’épaisseur voulue…. »

« Certaines bibliothèques sont aux livres ce que les cimetières sont aux défunts. Avec leurs allées propres, et au tracé net, entre lesquelles on se déplace furtivement et où la voix se fait murmure, les livres s’y dérobent et on se sentirait presque coupable d’être là…. »

« Tignasse cuivrée contre boucles brunes, Arizona et Ratan se ressemblent par la corpulence, l’âge et la taille, mais plus encore par ce qui émane d’eux : même authenticité tranquille et sereine, même rusticité élégante, même acuité du regard qui désarçonne la moindre velléité de mensonge…. »

« Elle avance à grandes enjambées, fermée. Je n’ose rompre son silence et tente tant bien que mal d’ajuster mes pas aux siens. Une pluie fine et un vent violent balaient le paysage grandiose qui défile sous nos yeux. Un ciel boursouflé de nuages gris bleu se fond à l’horizon de l’immense amphithéâtre de verdure qui  ceinture la vallée où cascade une végétation luxuriante et dont la perspective se modifie quand on suit du regard le fleuve Krishna…. »

Pour résumer et finir cette chronique « Le métronome de nos âmes » est un roman qui se mérite, je veux dire par là qu’il ne se livre pas facilement, parce qu’il faut aller chercher les mots, rares et mystérieux parfois, précieux aussi, et qui sont pesés un par un pour former cette littérature unique et pleine de richesses. Il y a tout dans ce livre : une histoire, un parcours de vie pas banal, des personnages pleins et riches en émotions, des sensations visuelles et olfactives, une musique, et pas seulement dans les mots, une profondeur et un certain recul sur la vie, de la violence aussi, un peu, de l’amour, beaucoup, des messages surtout, nombreux, et un immense appétit pour les rencontres, les autres en général, les lieux de culture et réflexion, le dépaysement.

Alors, ne cherchez plus : venez découvrir ce texte authentique !

 

Merci Mélanie pour cette évasion magnifique !