Médecine avec boite automatique

Je me suis entretenu récemment avec différents médecins, pour une biographie sur laquelle je travaille en ce moment.  Ces entretiens furent assez révélateurs du changement qui s’opère depuis quelques années  dans la relation patient/praticien, que le médecin pour qui j’écris dénonce dans son propos. Voici un condensé de ses rencontres.

Le premier échange fut avec un ancien médecin du sport , qui fut aussi membre du conseil de l’ordre et aussi médecin humanitaire. Lors d’un déjeuner, pourtant motivé à la base  par une autre raison, nous en sommes venus à parler de mon appréhension de la médecine « en générale ». Appréhension partagée, sans fait exprès, par les trois autres convives du repas. Sans concertations préalables.  Le vieux docteur,  peu surpris de notre ressentiment sur le sujet, conforté  dans son écoute par les exemples concrets et le vécu de chacun des convives, conclut le débat avec cette phrase qui m’est restée en mémoire : « De mon temps, le patient était roi. Les médecins écoutaient et comprenaient. Aujourd’hui, ils n’ont plus le temps. Ni de comprendre ni d’écouter.  Le patient est devenu une sorte de client. Et le médecin une sorte d’automate.»

Le second échange se déroula  avec mon médecin généraliste, malheureusement, bientôt en retraite lui aussi. Son cabinet est à la campagne, dans un petit village. J’ai, dès le premier rendez-vous, accroché avec le personnage. Un simple coup d’œil, un examen rapide, concret et orienté et un « c’est bien ce que je pensais ». Et là, il me dit exactement pourquoi je viens le voir. Ça ne s’apprend pas ce genre de chose. C’est la pratique et l’expérience qui parlent. J’hésite cependant à lui parler d’un second problème, habitué à me faire expédier au bout de 10 minutes passées avec un praticien, après avoir attendu une heure en moyenne sur une chaise bancale, et surtout je suis accoutumé à la phrase : « Une seule pathologie à la fois, une seule par rendez-vous, cher monsieur ».

Et là, pas du tout. Il me demande « si tout est en ordre », je lui réponds que non. Il écoute, pose des questions et propose une solution, tant sur mon comportement, que sur les effets de mon comportement, qui eux génèrent le problème. Je passe 30 minutes dans le cabinet. Et en sortant, je vois qu’il n’y a pas 10 personnes qui attendent leurs tours, mais seulement 2. Surprenant. D’autant que moi non plus je n’ai pas attendu pour « passer ». Enfin un praticien qui ne vit pas à l’heure du haut débit. De rendez-vous en suivit de rendez-vous, le connaissant mieux, je lui posai la question suivante, il n’y a pas longtemps : Pourquoi le nouveau médecin de ma femme prescrit des examens qui ont été faits l’année précédente, et surtout qui n’ont servi à rien, puisque ce sont les antibiotiques qui ont résolu le problème et pourquoi cette jeune femme ne l’écoute pas quand elle explique tout ça ?  Et pourquoi, son « ancien » médecin n’a-t-il pas transmis le dossier au « nouveau » médecin ?

Sa réponse : « Les jeunes médecins ne prennent pas le temps. Ils évoluent dans une autre sphère que les vieux toubibs comme moi. Les dossiers médicaux, c’est des usines à gaz, surtout quand leurs propriétaires bougent de ville en ville. Ils préfèrent tout revoir plutôt que de chercher. »

Enfin, la troisième discussion sur le thème, je l’ai eue avec un radiologue. Qui me confiera « qu’un acte sur trois est totalement inutile, alors, que d’autres nécessiteraient des mesures plus appliquées. » Je sors de l’examen, avec un « foie gras », et un radiologue qui m’explique que c’est un diagnostic à la mode, quand la cinquantaine n’est plus très loin, d’avoir le foie gras.

En ce cas l’examen était-il bien utile ? Puisque c’est une conclusion commune et généralisée, et qu’aucun soin n’est prescrit derrière, si ce n’est les recommandations alimentaires habituelles et la prise de sang qui va avec…

 

Connaissez-vous le montant en euros des  prescriptions  inutiles délivrées chaque année en France ?

Non ?

Alors, renseignez-vous, après tout, vous cotisez…

 

YLR