Les mouvements sociaux actuels sont officiellement dus à la réforme des retraites. Mais au fond, n’y a-t-il pas derrière ces revendications, un sentiment de déclassement? Dont le vase déborderait du fait de cette (grosse) goutte d’eau?
Le PIB par habitant en question
La richesse d’un pays se mesure par son PIB (produit intérieur brut) qui correspond à l’ensemble de la richesse produite par une économie en une année. Il correspond à la somme des valeurs ajoutées produites dans l’économie. Plus un pays est peuplé, plus il y a de production, et c’est donc évidemment des pays très peuplés que l’on retrouve en tête du classement mondial. Mais la notion de valeur ajoutée fait aussi apparaitre celle de valeur créée, et donc les pays produisant les biens les plus chers, les plus technologiques sont bien sur avantagés. Une voiture de luxe, par exemple, dégage plus de valeur ajoutée que 1.000 T-shirts!Les Etats-Unis, la Chine et le Japon sont sur le podium de tête. Le niveau de vie d’un pays s’apprécie quant à lui par la redistribution de cette richesse à ses habitants. L’indicateur retenu en la matière est le PIB par habitant. On divise donc le PIB global par le nombre d’habitants. C’est ainsi qu’un petit pays comme la Suisse se retrouve au 22ème rang mondial en terme de PIB mais au 10ème rang mondial en terme de PIB par habitant, vu que sa production est très qualitative et donc génératrice d’une forte valeur ajoutée (horlogerie, pharmacie, chimie, services financiers, etc).
Le déclassement français ou paupérisation
La France, pour sa part, est classée au 7ème rang mondial pour son PIB (derrière l’Inde et le Canada) mais elle ne fait que chuter sur le critère du PIB par habitant, donc du niveau de vie. Notre pays a beau se targuer de pratiquer une très forte redistribution des plus riches vers les pauvres (ce qui lui vaut la triste première place mondiale sur le plan du taux de prélèvements obligatoires), le voilà qui se retrouve, selon la dernière étude du FMI, à la 25ème place mondiale sur le critère du PIB par habitant ! La chute est constante et régulière depuis des années. Inflation ou pas, force est de constater que le PIB par habitant des Etats-Unis est 80% au dessus du notre désormais. Par ailleurs, la France est désormais 20% en dessous de son voisin allemand.
C’est le phénomène de paupérisation. On entend beaucoup parler de « paupérisation » à chaque crise. Paupérisation signifie tout simplement appauvrissement. Mais on ne parle pas de la paupérisation d’un individu comme on pourrait parler de l’appauvrissement d’un individu. La notion de paupérisation concerne le plus souvent une classe sociale, un groupe social (par exemple les ouvriers, les fonctionnaires, les classes moyennes… ), voire un pays tout entier ou un ensemble de pays (par exemple la paupérisation de l’Occident). La définition même de la paupérisation renvoie à celle de pouvoir d’achat. En effet on peut dire qu’il y a paupérisation lorsqu’il y a baisse du pouvoir d’achat. Rappelons que le pouvoir d’achat, c’est la quantité de biens et de services que vous pouvez vous offrir avec vos revenus. Pour formaliser la notion de pouvoir d’achat, on peut dire que c’est le revenu (R) divisé par les prix(P) :
PA = R / P.
Si le prix de ce que vous achetez augmente, mais que vos revenus stagnent, votre pouvoir d’achat va baisser, c’est arithmétique! Si les prix montent, mais que les revenus montent, tout dépendra de l’ampleur de la hausse de chacun d’eux. Si votre revenu croît de 10%, mais que les prix croissent de 15%, votre pouvoir d’achat diminue. A l’inverse il augmente si les prix n’augmentent que de 5% quand votre revenu croît de 10%. Une baisse du pouvoir d’achat d’une population entraine une paupérisation de cette dernière.
Et c’est exactement ce qui se passe en France…Jusqu’où allons-nous descendre? Telle est la question… La fuite des cerveaux, des capitaux et désormais de toute une partie de la classe moyenne supérieure à la retraite ou même avant n’arrange pas les choses. Le nombre d’expatriés hors de France fait d’ailleurs débat. Officiellement de 2.5 millions, il est en fait plus élevé. Même le ministre des affaires étrangères du précédent gouvernement avait reconnu en mars 2021 qu’il fallait tabler sur 3.5 millions de personnes… Et il y a fort à parier que la paupérisation rampante est une des causes de ce mouvement…
Jean-David Haddad
Editeur
Auteur de « Inflation, 9 vérités pour comprendre et s’adapter » et de « L’économie? Rien de plus simple »
