Bonjour,
Paul était depuis peu dans le monde du travail, loin de sa famille. Ses camarades de l’entreprise parlaient de luttes et de révolutions. Il avait entendu des leaders syndicaux hurler qu’il ne fallait pas céder face à un gouvernement sourd. Paul avait suivi les discours des élus de la république appelant à désobéir, à lutter. Sans véritable culture politique, il avait cru ceux qui soufflaient sur les braises. Ceux qui en se retournant affirment condamner la violence. Il n’avait pas compris que ceux qui ne proposent pas grand-chose, mais s’acharnent à condamner sont à éviter.
Alors, ce jour-là, Paul avait écouté ceux qui menaient des combats violents depuis longtemps. Pour eux, seule la force réglait les problèmes. En les accompagnant, il avait rencontré des camarades de luttes, même si la plupart ne parlaient pas sa langue. Les boissons coulaient à flots. Certains avaient prévu des caisses de projectiles inquiétants. Les plus violents osaient évoquer des explosifs.
Le lendemain, on parlait d’un grand rendez-vous dans la campagne. Il y avait là des drapeaux aussi variés que bizarres. Sur une butte de terre, une femme avec une écharpe tricolore lançait des anathèmes, des phrases que beaucoup ne comprenaient pas. Les bons majoritaires devaient écraser les méchants, les profiteurs, les policiers. La raison n’était plus au cœur de la foule. Au village voisin, on avait emprunté des pierres, des barres de fer. On maltraitait routes et pont pour la bonne cause. Les habitants étaient inquiets. Puis ce fut la charge, la lutte où le corps s’engageait, où rien ne pouvait distraire celui qui veut faire mal, qui veut abimer ces hommes casqués en noir qui sont derrière leurs boucliers. Paul se heurtait aux forces de l’ordre. Il avait jeté des cocktails Molotov, arme incendiaire artisanale dont le composant principal est un liquide inflammable. L’un des meneurs avait hurlé : « demain, nous aurons des armes, demain ils crèveront. »
La journée était confuse, les gaz lacrymogènes et la fumée des véhicules incendiés rendaient l’air irrespirable. Courir, frapper, lancer épuisait les corps. Puis, il y avait des manifestants qui se disaient pacifiques, mais qui servaient de rempart.
Paul avait ressenti un choc à la poitrine. Certains affirmeront que cela venait des forces de l’ordre, mais le projectile avait peut-être été maladroitement tiré par un de ces voisins.
Qui aurait pu l’admettre !
Aucun médecin ou infirmier ne viendront de ses amis de lutte. C’est un médecin militaire qui arrivera péniblement jusqu’à lui et lui prodiguera les premiers soins. Paul se réveillera aux urgences. Une seule personne viendra le voir, un gendarme blessé le même jour que lui. Il ne sera pas poursuivi par la justice, car on n’avait pas eu le temps de l’identifier. Paul sera handicapé à vie et aucun responsable syndical ou politique ne se penchera sur son lit de souffrance. Son hospitalisation avait coûté plus de 50 000 €, mais il ne devait rien payer. En apprenant cette information, il aurait pu comprendre que dans la plupart des pays dans le monde, il serait mort. La société payait pour lui, ses dégradations et ses soins médicaux.
Un mois plus tard, Paul découvrira que celle qui haranguait la foule avec une écharpe tricolore déclarait que des casseurs avaient abimé ses belles et grandes luttes. Elle paradait à la télévision. Il osa lui demander un rendez-vous pour obtenir de l’aide, lui qui ne pouvait plus travailler comme avant. Paul ne fut jamais reçu.
Ne pensez pas que j’accuse, je décris. Certains politiques de tout bord agissent curieusement. Ils jouent une mi-temps du côté de l’état et une autre de l’autre côté. Sachez que celui qui enflamme et entraine les foules en promettant des jours meilleurs rend aveugle et sourd.