Pauvre gamin d’un pays riche.

Bonjour,

Je venais de franchir la frontière séparant le Bénin du Togo. Sur ces terres, on connait le prix de la liberté. Apprendre, avoir accès aux soins, à l’eau, à la nourriture, à l’électricité, à un vaccin, ne pas être la proie du plus fort, d’un animal sauvage… Que de rêves inaccessibles.

Nous roulions depuis longtemps. Nous avions peu dormi, mon chauffeur de taxi béninois et moi. Une chaleur étouffante écrasait la savane. Le conducteur arrêta la voiture, pour prendre un peu de repos. L’ombre d’un groupe d’arbres nous protégeaient péniblement du soleil. Nous avions dépassé les quarante degrés. Tout semblait désert. Un groupe de bambins avait surgi entre des troncs de baobabs. Le plus jeune avait cinq ans, le plus vieux la dizaine. Ils progressaient rapidement, sans hésiter. En interrogeant le plus ancien qui menait la troupe, j’ai appris qu’ils parcouraient plusieurs kilomètres chaque jour pour rejoindre une école locale. Elle n’était pas officielle, plutôt improvisée et tenue par un couple d’allemand bénévole, des enseignants à la retraite. La sueur marquait les visages des enfants. Leurs yeux souriaient, même si les vêtements, les sacs et les chaussures n’étaient pas en très bon état. Les plus jeunes tenaient la main des plus âgés. Ils souriaient en pensant aux enseignants qui les attendaient. Ils ne s’attardèrent pas.

Puis j’ai pensé à cette gamine qui pleurait sur le trottoir. J’étais sous d’autres cieux, l’année précédente, en Inde. Ses parents l’avaient sorti de l’école pour travailler. Elle devait ramasser les ordures et les excréments de ses patrons, marquée irrémédiablement au fer rouge de sa caste. Ses maitres abusaient d’elle depuis longtemps, dans l’indifférence générale. Mais, l’absence d’études lui arrachait des larmes.

Je n’aurai pas su leur raconter qu’en France, des élèves refusent d’apprendre, de se cultiver. Je n’aurai pas trouvé les mots pour leur décrire l’insolence de certains, voire leurs violences envers les enseignants.

Mon grand-père m’avait confié un jour qu’une punition (souvent une taloche) de l’instituteur en provoquait toujours une autre de son père. Nous pouvons en rire, nous pouvons en pleurer.