La peinture orientaliste est une peinture qui aborde des thèmes exotiques tournant autour de l’orientalisme et du phénomène des harems. Il ne s’agit pas d’un style, d’un mouvement ou d’une école de peinture particulière, comme on pourrait le dire des Flamands ou encore des nabis. Non, c’est plus un rêve et un acte libertaire pictural qu’un enseignement. Nombreux sont ceux qui sur près de deux siècles, construiront du pinceau des scènes rêvées de l’intimité des courtisanes des princes du désert, Bay, caïds et autres émirs. Alanguies, au bain, allongées lascivement sur le divan ou punies du fouet de l’eunuque, la belle du harem faisait rêver les contemporains de ces époques, jusque dans les parties fines des hautes sociétés européennes et jusque dans les bordels et les cabarets parisiens, où la danse du ventre et la danse des sept voiles connaissaient, bien avant Joséphine Baker et ses bananes, un succès grandissant, qui ne fut pas sans conséquences pour une certaine Mata Hari, par exemple.
L’orient, terre de pirate, de marchands et de tribus nomades et oasiennes, stigmatisa la légende de belles Européennes, vendues ou enlevées pour les plaisirs sexuels des acquéreurs. Des redoutables Barbaresques aux cales immondes des bateaux de trafiquants d’esclaves qui nourrissaient les Amériques et l’Europe, tous en provenance d’Afrique, débarquant leurs « marchandises » sur de nombreux ports négriers, comme Nantes ou Bordeaux, le parcours était fléché. Et dans cette époque où la vie humaine avait moins d’importance sociétale qu’aujourd’hui, le vendeur d’esclaves vendait aussi du rêve et de l’exotisme. Principe qui de nos jours est insupportable, mais, quoi qu’on en dise dans notre époque censurée, il nourrissait et je le suppose, nourrit encore bien des fantasmes.
L’intérêt de l’Occident pour l’orientalisme est apparu au courant du XVIIIe siècle, mais c’est surtout au XIXe siècle que l’attrait pour les thèmes orientaux va connaître son apogée. N’oublions pas que pour les artistes de ces siècles en clair obscures, l’orientalisme en peinture, permettait à des peintres chevronnés, comme Delacroix ou encore Villon, Gerôme ou Ingres, pour ne citer qu’eux, de peindre du « nu désacralisé », sans forcément afficher de références directes aux religions ou à la mythologie grecque ou romaine. Un nu devait obligatoirement être une scène de genre, voir de grand genre, pour être exposé publiquement. Il fallait au corps humain nu une caution intellectuelle ou culturelle à son exposition. Sinon, l’œuvre était taxée de perverse et l’opprobre populaire tombait sur le peintre comme la misère tombait sur le pauvre monde. Il faudra attendre l’Olympia de Manet pour que le nu sans carcan culturel soit « offert » aux peintres. Et aux spectateurs de cette peinture « anti-pompier ». Olympia est une prostituée, vendant ses services au peintre. Elle posera pour lui, sans être un corps recomposé, c’est-à-dire académique et sans le prétexte d’un Hercule, d’un Enfant Jésus ou d’un Sardanapale, fils d’Anakindaraxés, empereur d’Assyrie, et dernier souverain de la dynastie de Ninus, pour l’accompagner, pour vibrer de couleur sur la toile.
En revanche, au XXe siècle les thèmes orientalistes vont peu à peu disparaître. La fin des colonies aidant. Le rêve était brisé, et puis Courbet avait déjà peint « l’origine du monde », sans s’occuper de l’église et l’académie des beaux-arts, Lacan cachait le tableau dans son cabinet, la mini-jupe était dans la rue, le corps de la femme contemporaine n’était plus un mystère pour l’homme et pour les arts, le magazine Play-boy vantait les charmes féminins de l’Amérique et les actrices étaient mondialement devenues les nouvelles papesses de l’érotisme. Une peinture disparue, aujourd’hui cantonnée aux musées de France et de Navarre, mais qui avait son charme, n’en déplaise à la dictature féministe heureusement minoritaire, mais quand même bruyante, de notre société actuelle.
Yoann Laurent-Rouault.