The experts

Vous avez remarqué ? Ils n’ont pas la côte. Mais alors plus du tout. Je veux parler des experts. Ils ont perdu en crédibilité, leur expertise s’est fortement dépréciée. Leur parole a perdu de la valeur. Beaucoup de valeur. On ne les écoute plus. Pire, ils sont suspects, ne sont pas objectifs, travaillent pour le compte de, sont à la solde de. Ils manipulent l’opinion. Mettent leur intelligence ou leurs fines connaissances au service de mauvaises causes.
Les temps changent, que voulez-vous. Il n’y a pas si longtemps, face à un problème complexe, une situation inédite, on faisait appel à eux. On cherchait à s’attacher leurs services, convaincus que leurs compétences spécifiques, leur expérience éprouvée, pouvaient être utiles. Pouvaient aider à la prise de décision, plus éclairée. A viabiliser des projets, anticiper des difficultés, décider de mesures adaptées aux situations changeantes. Dans un monde en mutation, de plus en plus complexe, le recours ciblé aux experts pouvait passer pour une bonne idée.
Mais ça, c’était avant. Avant que les experts, tels des escadrons de générations spontanées, n’envahissent les plateaux télé, les chaînes d’info continues, les réseaux sociaux, l’espace tout entier. Produisant d’étonnants effets démultiplicateurs dans les sociétés et leurs opinions. Des cohortes de nouveaux experts en tout genre sont apparues sur les décombres des constructions intellectuelles de leurs « prédécesseurs ». Faut-il croire que les fondations n’étaient pas suffisamment solides ? De néo-experts en maladies infectieuses rapidement mués en experts en santé publique, se sont transformés en experts en géostratégie politique et militaire, avant d’évoluer vers une compétence d’experts en gestion des ressources énergétiques. N’admettant aucune contradiction, ne concédant aucun compromis, ne tolérant aucun avis contraire au leur. Avec un certain succès ma foi, puisque la société s’hystérise, les espaces de débat s’amenuisent, l’abstention progresse, le populisme gagne. Partout dans le monde.
Mais je m’égare, là, faisons confiance aux experts, après tout ce ne sont que des femmes et des hommes comme vous et moi. Ils ne peuvent vouloir que notre bien. Le bien commun. Cela ne fait aucune doute. Vive les experts !