Tout homme bien portant est un malade qui s’ignore. 

Prenons le temps, quelques minutes tout au plus, de nous pencher sur une œuvre théâtrale au succès immédiat, écrite par Jules Romains. Il décrit dans cette pièce de théâtre en trois actes, l’ambition du docteur Knock. Un médecin quadragénaire qui s’installe à Saint-Maurice pour reprendre la clientèle de son  humble confrère, le docteur Parpalaid, et il se révèle être un escroc. Cette comédie de 1923, datant de presque un siècle donc,   Knock ou le Triomphe de la médecine est une  représentée pour la première fois à la capitale, à la Comédie des Champs-Élysées sur une mise en scène et des décors de Louis Jouvet, qui interprète également le rôle principal.

La comédie grinçante, Knock, dénonce la manipulation, qu’il s’agisse de médecine ou de toute idéologie, comme de n’importe quel commerce. La pièce est restée célèbre entre autres pour la maxime du Dr Knock, « d’une modernité époustouflante » : « Tout homme bien portant est un malade qui s’ignore. »

Knock, le personnage principal, est intéressé par la médecine depuis son enfance. Il a de la ressource et de la répartie. Il est intelligent et sait attirer la clientèle et une fois fait,  exercer  sur elle une emprise diabolique. Mais voyons plutôt les trois actes résumés :

Premier acte : le Dr Parpalaid a vendu au Dr Knock « une clientèle nulle ». À peine de quoi nourrir un généraliste. Acceptant le défi, Knock dresse à ses interlocuteurs (Parpalaid et son épouse) un tableau invraisemblable de ses prétentions médicales.  Lorsque l’acte se termine, on ne sait pas si Knock gagnera son pari, mais on a déjà assisté à la première étape de ce travail : estimer les revenus de ses futurs clients et repérer tout ce qui pourrait faire obstacle à l’idéologie qu’il a l’intention de promouvoir.

Deuxième acte : on assiste à la démonstration des techniques du Dr Knock. L’auteur décrit pratiquement toutes les techniques de manipulation enseignées pour la pratique clinique ou la vente. Il fait défiler tous les groupes sociaux du canton ou les supports que Knock utilise : l’information, avec le tambour de ville et l’instituteur, le commerce, la paysannerie, l’aristocratie de province comme la petite bourgeoisie. L’acte se termine avec deux hommes éméchés dont Knock prend le contrôle avec vigueur, rappelant que la force est toujours présente derrière l’idéologie (à méditer !!!).

Troisième acte : le Dr Parpalaid, qui se moquait de Knock au premier acte, est maintenant témoin de son succès. Stupéfait, il est malmené par les « disciples » de Knock. Ce dernier a réussi à prendre le contrôle sur tout le canton, puisque ceux qui ne sont pas au lit travaillent pour lui. Lorsque Knock se retrouve seul avec son confrère, il va se lancer dans un discours où il étale sa volonté de puissance, qui se rapproche de la folie. La dernière réplique montre que Knock ne rencontre plus aucune résistance, puisque même un médecin arrive à se croire malade et demande des soins au manipulateur qu’il est !

Tiens, tiens… et pourtant BFMTV n’existait pas !

Au même titre que le Médecin malgré lui et le Malade imaginaire de Molière, Knock s’inscrit dans une tradition littéraire bien française : la satire des médecins. Celle-ci mélange à la fois comédie de divertissement et comédie de mœurs. Mais aujourd’hui, cela devient difficile d’en rire !

L’analyse de Knock approfondit aussi les thèmes abordés dans la pièce, l’argent et le pouvoir. La médecine y est considérée comme un instrument pour faire fortune, mais également pour acquérir de plus en plus de puissance. Si le docteur Knock affirme au départ vouloir bénéficier d’une affaire florissante, son véritable but est en réalité d’exercer son pouvoir sur autrui. Cela ne vous rappelle rien ?