(Illustration Yoann Laurent-Rouault.)
Staline me voilà
Le communisme est le phénomène intellectuel et politique des années 30. Gide s’y intéresse comme nombre d’autres et s’enthousiasme pour l’expérience russe dans laquelle il voit « un espoir, un laboratoire de l’homme nouveau, qu’il appelle de ses vœux ». Sa prise de position n’est pas comprise par ses proches. Beaucoup dans le cercle des « penseurs communistes » regardent avec méfiance ce grand bourgeois qui vient à eux, jugeant comme l’écrira Jean Guéhenno que « les pensées de M. Gide semblent trop souvent ne lui coûter rien » et que « M. Gide n’a pas assez souffert » pour s’exprimer sur la condition ouvrière comme sur le partage des richesses ou l’utilité du collectivisme. Gide, en parallèle, est aussi actif dans diverses actions antifascistes. Il faut dire que l’Europe tout entière s’apprête à marcher au pas de l’oie dans ces années brunes. En 1936, les autorités soviétiques l’invitent en URSS. Il accepte.
Sur place, ses illusions sur le système ne font pas long feu. Il est témoin de ce que véhicule le culte de Staline et des dangers de bâtir un système autour d’un « dieu vivant ». La censure aussi le révoltera.
Le communisme, à titre personnel, a déprécié pour moi nombre de personnalités actives entre les années 30 et 70, que j’admire pourtant pour leur travail dans leurs domaines de compétences. Peintres et auteurs. Acteurs et artistes aussi, comme auteurs. Picasso ou Montand et Signoret, par exemple. Je n’ai jamais compris, surtout dans la décennie suivant l’après-guerre, comment le communisme pouvait séduire somme toute, des privilégiés. Des stars qui ont tout. Quelle bonne conscience essayaient-ils de s’offrir ?
Comme les radicaux anticommunistes m’ont rapidement dégoûté « de leur combat pour la liberté ». Le renvoi de Chaplin des USA, la croisade de Wayne et d’Hollywood revenus à une propagande de guerre, l’acharnement politique et bureaucratique de nombreuses institutions, en France comme à l’étranger, les internements et les procès sommaires… et encore la guerre sur les terrains de jeu des grandes puissances est-ouest et la prise en otage des populations, massacrées pour la patrie…
Gide finira par publier sa vérité, en un réquisitoire contre le stalinisme : « Que le peuple des travailleurs comprenne qu’il est dupé par les communistes, comme ceux-ci le sont aujourd’hui par Moscou. »
Mais cela ne sera pas sans conséquence pour lui. Et le dénouement de la guerre d’Espagne achèvera de tuer ses engagements politiques et il déclarera vouloir mettre un terme à ses combats. Il dira avoir besoin de « désapprendre à vivre. » Mais l’histoire ne lui en laissera guère le loisir, car arrive la défaite française consécutive à la drôle de guerre, l’avènement de Pétain que, s’il l’approuve dans un premier temps, il combattra rapidement, ô combien.
YLR