Beaumarchais le prophète.
La Folle Journée, ou le Mariage de Figaro, la comédie en cinq actes de Beaumarchais, écrite en 1778, lue à la Comédie-Française en 1781, et dont la première représentation officielle n’eut lieu qu’en avril 1784 au théâtre de l’Odéon au terme de 3 années de censure, dénonçait avec humour et raison les privilèges archaïques et féodaux de la noblesse et plus particulièrement de l’aristocratie parisienne et versaillaise.
Considérée comme un écrit prophétique de la Révolution française, la pièce traduit à merveille les pensées progressistes de cette fin de siècle oppressée par les interdits, la censure et l’injustice de l’ancien régime. Comme elle exprime divinement les récriminations du peuple envers les puissants. Louis XVI qualifiera la pièce « d’exécrable, qui se joue de tout ce qui est respectable » et dont « la représentation ne pourrait qu’être une inconséquence fâcheuse, sauf si la Bastille était détruite ». Et elle le sera.
Prévoyant, car n’ignorant pas les réactions que son Figaro provoquerait, Beaumarchais avait écrit cette réplique anticipatrice dans la pièce : « Il n’y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits. » Il s’en trouva tout de même embastillé.
On attribue à Danton le verdict suivant à la sortie du spectacle : « Figaro a tué la noblesse ! » Et à Napoléon de dire : « C’est déjà la Révolution en action ! ». Et sous les applaudissements du peuple parisien. La pièce défend donc cet article premier de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen bien avant sa naissance et on y retrouve l’esprit de Voltaire dans les répliques de Figaro :
« Parce que vous êtes un grand Seigneur, vous vous croyez un grand génie ! Noblesse, fortune, un rang, des places : tout cela rend si fier ! Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus… »
La dénonciation de la « société d’ordres », thème phare de la révolution, se retrouve jusque dans le vaudeville final de la pièce : « Par le sort de la naissance, l’un est roi, l’autre est berger ».
L’état de noblesse est ainsi relégué par Figaro à une sorte de loterie. La vision est réaliste et sans détour, même si elle insulte particulièrement par cette réplique quelques « grandes familles ». Et, comme le déclarait l’auteur, « Je tiens à ce que l’on m’appelle monsieur de Beaumarchais, non-monsieur Caron, car c’est mon titre et il m’a coûté fort cher ». Notons aussi entre autres, cette tirade choisie sur l’inégalité de la loi : « Indulgente aux grands, dure aux petits ». L’auteur, comme beaucoup de dissidents et de libres penseurs de l’époque, aura maintes fois à faire avec les tribunaux, et de là, tout le loisir de se faire une certaine idée de la justice du roi et de ses accesseurs.
YLR
