Amicalement.

Mes z’amis des réseaux sociaux sont environ 10 000, si je cumule les pages. Le plus gros de la foule, c’est sur Facebook. Je n’y passe pas beaucoup de temps et je n’y partage pourtant rien de personnel. Des mots et des avis, tout au plus, et aucune photo des pingouins de ma galaxie. Et surtout pas de moi. À de très rares exceptions seulement, c’est arrivé, et toutes les publications de ce type sont liées à ma vie professionnelle et souvent pas de mon fait, mais de celui d’un tiers.

À certaines époques, et en fonction des grands évènements de l’actualité, ces pages me servent de tribune et je le confesse, de défouloir. Souvent quand les décisions « politiconnes » de ce pays me mettent hors de moi, et quand, ce qu’à mon humble niveau j’appelle « la connerie du genre », me submerge d’indignations et de divers sentiments du même acabit.

J’ai comme tout le monde, quelques amis et parents de la vie « réelle » qui sont abonnés à certaines de mes pages comme je suis abonné aux leurs. Mais le comble est qu’on ne communique presque jamais par ces réseaux. J’ai donc des pages majoritairement pros et anonymes, en quelque sorte. Et j’y partage principalement ce qui est lié au monde du livre et des arts.

Les « z’amis sociaux », inscrits sur mes pages, je ne les connais pas. Seulement une petite trentaine avec qui j’ai échangé ou j’échange depuis quels mois ou quelques années, selon. Mais tout cela reste bien virtuel pour l’essentiel.  Parfois, j’ai un message, que je lis rapidement, souvent avec pas mal de retard sur l’horaire et je me dis que je dois avoir un Alzheimer précoce, car la teneur du message m’indique que pour me parler de la sorte, son auteur doit-être un membre de ma famille que j’ai oubliée, un patron que j’ai renié et pour qui je suis censé travailler et qui me paye ou un très proche ami, voir une ex-femme que j’ai zappée, tant le message que je lis  baba est  « intime ». Alors je vérifie. Je me triture le cortex, je regarde le trombinoscope familial, je scrute mon smartphone à la recherche d’un indice, d’une piste, je téléphone à mon médecin, mais rien. Je ne trouve rien. L’auteur du message, je ne le connais pas. C’est aussi bizarre qu’étrange…

Pourtant ce message est intimiste, son auteur me tutoie, me donne des directives parfois, m’engueule sur mes prises de position, se montre familier et convaincu du fait que nous avons gardé les pixels ensemble dès notre plus jeune âge…

Comme tout le monde, après quelques années de pratiques du genre, j’ai appris à anticiper les réactions folles des followers, à zapper les emmerdeurs et à bloquer les perturbés du clavier et les terroristes du commentaire et à envoyer paître dans la verte vallée informatique les polémiqueurs à deux têtes et les radicaux de tous poils. Mais cela ne me met pas à l’abri pour autant. Le phénomène dure.

Aussi, depuis quelques mois, je bloque, supprime, masque, refuse les invitations et les identifications sans état d’âme, sans la moindre petite hésitation et sans le moindre regret.   Au bilan, pour tout dire, les amitiés virtuelles soudaines et anciennes, je m’en tape le coquillard sur la moquette et sur l’air de la java bleue.

Pourquoi autant de haine, me direz-vous, sage et irréprochables followers et autres drogués du pixel social ?

La réponse est simplissime : à force de pratique, j’ai constaté ces dernières années, et  avec des personnes avec qui j’échangeais régulièrement et parfois avec qui je me suis entretenu au téléphone, qu’ils peuvent sur une simple réflexion en commentaire ou sur un texte de ce type (par exemple), prendre la mouche et vous zapper et vous renvoyer pour le coup dans le néant numérique sans que vous ne compreniez pourquoi. Alors, à la guerre comme à la guerre, et tant pis pour les conventions. Zuckenberg jugera.

Cela tient peut être au fait qu’en dehors de servir les ego, les réseaux servent aussi les propagandistes de tout bord, les commerçants de tout registre comme les fêlé du percolateur, et que globalement, un pourcentage non négligeable des utilisateurs accros aux réseaux, voient en ces entités informatiques, une sorte de psychiatre et de curé réunis.

YLR