Confinement et troubles psychiques.
En cette période de confinement, je tenais à vous parler des troubles psychiques. En effet, je souffre de bipolarité. Dans la famille Bastiani, nous avons payé un lourd tribut à la maladie mentale. Plusieurs de mes proches sont atteints de diverses pathologies. Cela va du simple TOC à la schizophrénie en passant par l’épilepsie et le TDAH.
J’ai écouté l’allocution de notre président. J’ai bien noté qu’il parlait de mesures assouplies pour les handicapés. Je n’en sais guère plus à ce sujet… Il n’a rien détaillé, rien acté. Nous restons donc dans le flou concernant notre sort. Nous sommes malades et confinés.
Le lendemain du discours présidentiel, j’ai tenté de joindre le secrétariat psychiatrique. Leur standard était saturé. Impossible de parler à quiconque. Je n’étais visiblement pas la seule à nourrir des inquiétudes concernant ces mesures liberticides tellement injustes, de surcroît pour nous les malades psychiques.
Lors du premier confinement en mars, mon traitement déjà lourd a été augmenté pour me permettre de supporter plus sereinement la situation. J’ai commencé à avoir des comportements désorganisés par exemple, me lever en pleine nuit pour dévorer du chocolat. Actuellement, j’en suis au même point, beaucoup de cachets et toujours des fringales nocturnes pour combler l’anxiété. Comment vais-je faire face à ce second confinement, moi qui suis si fragile ?
La bipolarité se caractérise par des humeurs fluctuantes s’apparentant à de véritables montagnes russes. C’est dû à une anomalie dans la chimie de notre cerveau. Nous n’y sommes pour rien, nous ne contrôlons rien. Bref, en deux mots, ce n’est pas de notre faute ! Les médicaments nous aident à réguler nos humeurs. Ça fonctionne plus ou moins bien selon le contexte de vie. Alors en confinement, privés de sorties, de loisirs, comment ne pas devenir complètement fous ? Ce n’est déjà pas évident pour les « normotypiques »… Imaginez pour nous !
Le jeudi, veille du confinement, ma meilleure amie Valérie est venue me rendre visite. Nous sommes allés nous promener dans la nature. Ensuite, nous avons bu un thé en discutant. Elle m’a dit : « Finalement, le confinement ne changera pas grand-chose pour toi. Tu ne sors pratiquement pas… » Je lui ai rétorqué que dans la vie, j’aimais avoir le choix. Il est vrai que j’ai souvent tendance à m’enfermer dans ma bulle, à me replier sur moi-même, surtout quand je ne suis pas au mieux de ma forme. Mais il suffit d’un rien pour que soudain, je ressente l’envie de sortir de ma coquille. Un rayon de soleil, le chant d’un oiseau et je décide alors d’aller en vélo au bord du lac avec un bouquin, sans me préoccuper ni l’heure ni de me munir de leur fichue attestation. Je lui ai expliqué que je ne pourrais plus me rendre à mes séances de sophrologie et de gymnastique si bénéfiques pour mon équilibre. Lorsque Valérie m’a quittée, je l’ai serré très fort contre moi en l’embrassant sur les deux joues et cela au mépris de tous les gestes barrières. Quand la révérais-je ?
Je vis seule. À part ma meilleure amie, je rencontre très peu de monde. Mes activités au sein de l’association dispensant les cours de « sophro » et de « gym » vont beaucoup me manquer. Ces rendez-vous hebdomadaires rythmaient ma vie, constituant mon unique lien social. Mes consultations médicales avec mon psychiatre et mon infirmière du CMP (centre médico-psychologique) sont très importantes pour gérer correctement ma pathologie. Lors du premier confinement, tout cela se réduisait à des appels téléphoniques. J’angoisse à l’idée de ne devoir de nouveau parler à mon psy et mon infirmière que par téléphone. Ce n’est pas pareil à un entretien dans un bureau.
Ce second confinement sera une catastrophe pour tous les malades psychiques. Les conduites à risque vont se multiplier, les pathologies s’exacerber, les addictions et les idées suicidaires deviendront monnaie courante. À terme, il y aura beaucoup d’hospitalisations. La psychiatrie est le parent pauvre du système de santé français avec un cruel manque de moyens et de soignants.
Je vais tenter de rester forte. Je vais me réfugier dans ma passion, l’écriture. Écrire pour survivre puisque désormais nous ne vivons plus. Je pense très fort à tous les malades. Je leur souhaite beaucoup de courage.
Bianca Bastiani, auteure de « Cendrillon du trottoir ».