Danger

La curiosité est un vilain défaut. Fameuse maxime. Pas totalement fausse quand on y songe.  Pas totalement vraie non plus, mais pas fausse non plus. Avec les atemporels de la maison, j’ai réalisé quelques 13 dossiers (et trois autres sont en cours) sur les grands auteurs du XXe siècle et autre, de Gide à Hugo, en passant par Alain et Rousseau. Mais, si la relecture d’un classique n’est jamais une perte de temps, force et d’admettre que quelques fois, on ferrait bien de s’abstenir. Tout du moins, de s’abstenir de sortir de l’ouvrage pour entrer dans la vie de l’auteur.

Jeune, on lit sans connaître, on lit pour découvrir ou neuf fois sur 10, parce qu’on y est obligé. Le programme, c’est le programme et peu importe l’air du temps, la météo et les évènements, c’est l’Académie qui décide, donc le gouvernement, alors on lit, on apprend et pis c’est tout. Passe d’abord ton bac, tu réfléchiras après.

Garde à vous !

Repos.

Par le fait, et par la grâce d’une étrange et précieuse mécanique subtile, toute politique bien plus qu’éducative, les apprentis littéraires actuels bardés de gadgets numériques et en tenues de sport à la ville comme à la campagne, sont soumis au questionnement sur différends textes et auteurs de notre grande et brillante épopée littéraire française en principale et mondiale en secondaire. Ainsi, la valse des Rousseau, voltaire, Molière, Hugo, Camus, Vian, Balzac et j’en passe, se répète et se joue sur plusieurs années. Souvent inintéressante pour ses danseurs, quelquefois il y a un titre qui retient pourtant leur attention. Ce fut le cas pour moi pour une bonne cinquantaine d’auteurs dits classiques.

Mais.

Si j’aimais le Candide de Voltaire, je détestais les confessions de Rousseau, mais j’aimais le contrat social et Voltaire restait immortel d’après le sieur de Beaumarchais. Les confessions, c’est un bon exemple. Que n’a-t-il pas écrit sur l’éducation, notre ami Rousseau ? Et pourtant, il avoue dans cet ouvrage avoir abandonné ses enfants et avoir entretenu, ô moraliste moralisateur des masses, des rapports relativement ambigus avec femmes et hommes de tout statut et toutes conditions et ceci jusqu’au clergé environnant.

C’est décevant.

Là, je viens de rendre ma copie sur Alphonse Daudet.

Daudet, les lettres de mon moulin, Alphonse, l’heureux auteur de Tartatin de Tarascon, du petit chose… un auteur large, généreux, académique et au service de la jeunesse ?

Eh bien, non.

Cruelle déception.

Non seulement ce monsieur a triché à plusieurs reprises sur la paternité de ses œuvres, mais en plus, il a aidé à la publication, voir financé dans certains cas, des ouvrages peu recommandables comme « la France Juive » ou pire, il a entretenu des relations soutenues avec des partis politiques qui sont et restent purement et simplement fascistes encore aujourd’hui. Pour mémo, la famille Le Pen n’a pas inventé l’eau chaude ni le bras levé et encore moins le l’extrême droite. On a tendance à l’oublier et heureusement que des auteurs de cette époque sont là pour nous le rappeler. Et quelques industriels aussi. Et quelques hommes politiques. De gauches  et du centre surtout.

Gide et la pédophilie teintée de tourisme sexuel, Baudelaire et la drogue, Hugo et la syphilis, etc. Ils meurent deux fois les héros.

Vous allez me dire, il reste l’œuvre. Et puis autre temps, autres mœurs, c’est bien connu. Heureusement, les choses s’arrangent. Depuis quelques décennies, notamment les trois dernières, peu d’auteurs auront la chance, si c’en est une, d’être des références littéraires de poids, au même titre que ces grands personnages universellement connus, et sans trop m’avancer, je crois pouvoir écrire qu’à notre époque une nouvelle Sagan, un nouveau Vian ou pire, un nouveau Molière, passeraient totalement inaperçus, noyés dans la masse des écrivaillons autosuffisants et de plus en plus nombreux, perdus dans l’image qui remplace peu à peu le mot, écrasés par la pensée unique et la bienséance actuelle. Bref, de mon humble point de vue, depuis que je travaille dans le secteur, je fais le constat suivant : la grande littérature française est mourante et ce qui se fait connaître, neuf fois sur dix, ne vaut pas un coup de cidre.

YLR