Dans l’après-coup

Pendant des années, répondre aux attendus de la société. S’y soumettre sans se poser de questions.

Et puis un jour, suffoquer. Se sentir enfermé. Quelque chose ne fonctionne plus. Une panne. Origine non localisée. Juste, sentiment de mal être qui envahit peu à peu l’entièreté de son être.

Coincé dans un étau. Tentatives désespérées de s’en dégager. Le monde se rétrécit. Le ciel se voile. L’obscurité aveuglante enferme la lumière.

Pendant des années, être cet enfant sage, docile, obéissant.

Toute velléité de rébellion écrasée avant même de naître. Mais les germes sont là.

Se taire. Se terrer. Par peur.

Tétanisé par cette violence qui surplombe le toit de la maisonnée. Violence souvent agie, adoucie par des moments de grâce mais prête à rejaillir, à bondir, à vous sauter à la gueule sans parfois savoir pourquoi, comment, quand.

Suspendu aux humeurs de cet autre censé vous protéger, vous rassurer.

Eclats de voix. Eclats de cris. Eclats de rire interdits. Bouche cousue. Couture en points de croix. Dentelle meurtrière.

Pendant des années, devenir cet adulte et tenter de tout bien faire.

A en devenir dingue.

Dingue de tenter de faire l’inverse de ce qu’il a connu.

Dingue de pousser du coude et de chercher l’air.

Dingue d’espaces de respiration.

Dingue de vie.

Tout simplement dingue …

 

La violence monte en lui. Monte. Monte encore. Jusqu’à l’explosion.

Les sirènes hurlent l’urgence. L’urgence de lever la barrière. Les vannes explosent. Les torrents se vident de leur trop plein.

Trop-plein d’un contenu qui n’a pas eu le temps de s’élaborer, de trouver ses mots. Tête engourdie, idées compressées, caboche essorée.

Pendant des années, nager dans ses propres tourbillons. Ne surtout pas se noyer. La cadence s’accélère. Le trot devient galop.

Mais il avance. C’est l’essentiel. Il avance. Tombe quelques fois mais se relève. La carapace craquèle. Il combat son étouffement pour gagner en respiration. Il combat sa maladie pour faire la nique à la vie. Il combat sa moitié pour gagner en liberté.

Une liberté qu’il appellera Autonomie, qui viendra vers lui par les circonstances de la vie.

Il se découvrira capable de grimper. Souvent essoufflé, à bout de forces, il n’abdique pas. Pas encore.

Ne regarde plus trop derrière. Non. Avancer. Surtout avancer. C’est vital.

Pour les années suivantes, terminé. Ne plus répondre aux attendus de la société. S’y soumettre est un verbe jeté dans les oubliettes de son histoire. Se centrer sur sa respiration. Prendre l’air. Souffler.

Humer l’air qui le maintient encore en vie.