De DADA à Breton. 2/2

Étymologiquement autant qu’historiquement, le terme « dada », fut trouvé dans des circonstances légendaires et donc forcément controversées, au cabaret Voltaire,  ouvert à Zurich par Hugo Ball, écrivain et  dramaturge allemand, exilé en suisse depuis 1915, et sa compagne, Emmy Hennings, poète et danseuse. Ball voulait offrir un lieu de rencontre et d’exposition aux artistes et aux intellectuels qui s’échappaient du tourbillon destructeur et infernal ce cette Europe en guerre.

Janco, Hans Arp, Sophie Taeuber et Tristan Tzara seront les premières figures du mouvement qui naîtra peu de temps après.  Selon Henri Béhar, son nom a été trouvé à l’aide d’un coupe-papier glissé au hasard entre les pages d’un dictionnaire Larousse par Tzara. « Dada » apparaît pour la première fois dans l’unique numéro de la revue Cabaret Voltaire, publiée en mai 1916.

Le mouvement prend de l’ampleur rapidement à travers des expositions, des parutions, des revues littéraires, des théoriciens qui s’emparent du mot, bref, dans l’émulsion créative zurichoise alors refuge de tous les artistes exilés, il s’épanouit. Un peu avant la fin de la guerre, des mouvements dadas sont créés dans les grandes villes allemandes : Berlin, Hanovre et Cologne. Les différents Manifestes dadaïstes arrivent à Paris dans la foulée, malgré la censure  très active sur le, « germanisme » et donc de manière générale, sur toute idée non déclinée sur les notes de la Marseillaise.

En poésie, sur le théâtre, sur la scène en générale, Dada casse les codes et bouscule le « bourgeois ». Le poème statique, le poème mouvementiste, ou encore  le poème de voyelles, se mêlent à la tradition du genre pour tendre vers des sonorités « primitives » et des idées à tiroirs, intuitives et souvent nées de l’automatisme de l’esprit. La technique de cabaret, de la revue, du music-hall,  et même du cirque, des spectacles de marionnettes, tout sert à ce nouveau « dada » en représentation. Les parades, les défilés, les chansons à textes, les mimes ; jusqu’aux costumes, tout sert à Dada.  Pour lui ce théâtre de la contemporanéité  doit se jouer partout et doit transgresser  aussi bien le statut d’auteur que celui de spectateur.

Courant 1917 et 1918, le mouvement s’internationalise. La revue DADA paraît en juillet 1917. Tristan Tzara y explore les possibilités typographiques non conventionnelles. De nouvelles personnalités, comme Serner ou Picabia apparaissent. À New York, avec Marcel Duchamp, Man Ray et d’autres, des événements dada fleurissent , où notamment est présentée et  refusée « la Fontaine » de Marcel Duchamp et le concept du ready-made. C’est dans un numéro de la revue DADA que sera publiée la fameuse reprise de la Joconde, là avec moustache et avec pour titre « LHOOQ », en mars 1920, dans le but de désacraliser l’art et peut-être de faire cesser la masturbation intellectuelle qui ne cesse de croître autour du sujet. Dada se voulait universellement populaire et gaulois. À mon sens avec raison.

Suivront des artistes cubistes, futuristes ou apocryphes, comme Max Ernst à Berlin et à Hanovre avec Kurt Schwitters qui créait des collages à partir de déchets trouvés dans la rue, au nom du principe du « qui fait quoi et qui est qui ». cf. « la nature morte à la chaise cannée » de Picasso. Ubu roi et le ballet Parade, de Jean Cocteau, donnèrent des héros aux artistes de Dada, ainsi que des origines : Alfred Jarry, l’auteur du premier, et Erik Satie, compositeur du second. Mais bien d’autres œuvres et bien d’autres cadavres exquis encombreront le mouvement utilement, jusqu’à ce que les surréalistes de Breton prennent le relais et surtout, que les années 30, porteuses du  fascisme, y mettent un terme à coup de procès, de censure, d’enfermement et d’exclusion.

En 1924, André Breton publie le Manifeste du surréalisme, et ce mouvement prend son envol. À partir de là, les surréalistes réinterprètent dada comme étant surréalistes. Les notions d’automatisme, de simultanéité, de hasard étant au cœur de dada comme du surréalisme naissant, ils n’ont aucune difficulté à se les approprier.

YLR