Détournement de contes

Détournement de contes

Les contes et fables d’autrefois, fonctionnaient sur un principe de palier. Le premier palier était destiné aux enfants, et bien souvent il n’avait d’autres vocations que l’histoire elle-même, agrémentée d’une petite morale utile et éducative.

Le second palier était destiné aux communs des mortels et par le fait servait une morale éducative et parentale à la mode du moment et elle était teintée de christianisme ou de protestantisme, selon. « Attention au loup si tu te promènes seul dans les bois mon enfant », par exemple. Les sept péchés dits capitaux que pour ma part je trouve essentiels à l’épanouissement de l’individu étaient passés en revue. Concis, court, agréable à lire, facile à retenir, l’histoire importait plus que le livre, qui bien souvent n’était même pas présent dans la maisonnée.

Mais, et c’est celui qui me préoccupe, le troisième palier était souvent érudit, philosophique et il proposait un double sens systématique à ses lecteurs. Il pouvait aussi contenir un message politique ou religieux pour toute morale. On pouvait y faire passer des idées et se moquer doucement ou avidement de la société comme du « petit peuple » comme du « grand ». La  Fontaine en est l’exemple type pour un auteur. Il se sera d’ailleurs souvent inspiré de faits réels , d’aventure et de mésaventures des courtisans et des courtisanes de la cour versaillaise de Louis XIV comme des « clients » du procureur Nicolas Fouquet, ami proche du fabuleux fabuliste.

Mais plus proche de nous, et puisque j’ai eu très récemment l’occasion de travailler dessus si j’ose dire, il y a aussi des auteurs comme Alphonse Daudet. Les lettres de mon moulin sont des perles à ce sujet.  La chèvre de monsieur Seguin est à lire comme une morale à papa destinée à l’éducation des jeunes filles en fleurs. On pourrait tout simplement traduire cette fabulette provençale par : « Pères, gardez vos filles à la maison si vous ne voulez pas d’ennuis, les loups rôdent et les dotes coûtent cher au patrimoine quand elles sont dépensées à perte. »

Force est de constater que le personnage du loup s’attaque presque toujours à des personnages féminins, et ce jusqu’au début des années 1930. Pour les dévorer ?

Le loup, c’est  la gourmandise, la roublardise, l’agressivité et le crime. Il est vicieux et nu sous sa fourrure, comme l’est un pervers sous son imperméable au coin d’un bois et il se tape même des grand-mères, le rustre !  Le loup c’est un satyre déguisé.

Il explosera en popularité littéraire à une époque ou le trésor absolu d’une jeune fille était sa virginité. Simone Veil n’était pas née. Un enfant hors mariage était le déshonneur absolu. La honte sur une famille et sur le nom de ladite famille. Mais plutôt que d’énumérer les nombreux contes et fables qui relatent le fait, je vous laisse y réfléchir. En trois minutes, vous devriez en trouver un certain nombre et en quelques minutes supplémentaires comprendre le sens caché de Cendrillon,  du petit poucet, des trois petits cochons et autres blanche neige, sans parler d’Alice aux pays des merveilles et des sucettes à l’anis de Gainsbourg. Bref, les contes et les fables, ce n’est vraiment pas pour les enfants.

YLR