Extrait « LE PENTACLE DE VENUS »

Le Pentacle de Vénus

Malgré le plaid qui la recouvrait, le froid continuait de s’insinuer en elle. Aussi, Ambre décida-t-elle de se préparer une tisane. Elle se leva et se rendit à la cuisine afin d’allumer la bouilloire, Bagherra sur ses talons. Sur l’étagère, au-dessus de l’évier, parmi les bocaux d’herbes soigneusement étiquetés par sa grand-mère, elle choisit de la camomille. Madeleine connaissait les vertus et bienfaits de chaque plante qu’elle cultivait et récoltait elle-même. C’était une guérisseuse à l’ancienne, rebouteuse pour les uns, un peu sorcière pour les autres. Elle soignait les hommes mais aussi les bêtes et même les plantes, en murmurant des formules magiques et en apposant les mains selon une tradition qui lui avait été transmise de mère en fille. Elle avait aussi le don d’enlever le feu. Les coups de soleil et les brûlures s’évanouissaient sous ses mains expertes. Elle savait comment soigner le zona, le psoriasis et les verrues. Le plus vieux médecin de Parentis lui envoyait parfois des patients qu’il s’avérait impuissant à soulager. La jeune femme ajouta du miel d’acacia dans sa tasse et but à petites gorgées. Elle songea à sa vieille angoisse. Depuis le départ de Madeleine, depuis que son aïeule lui avait transmis le Pentacle de Vénus, elle sentait le don qui cherchait à s’imposer en elle. Elle en eut soudain le souffle coupé et son rythme cardiaque s’accéléra. Tapi dans l’ombre, il prenait peu à peu possession de son être, mais au lieu de l’accepter comme un bienfait, elle le trouvait embarrassant, ne sachant qu’en faire. Elle n’était pas prête. Elle ne voulait pas guérir les gens. Ce don lui faisait peur. Elle ne désirait pas devenir une sorcière comme sa grand-mère. Elle souhaitait mener sa vie à sa guise, tenir sa boutique et être libre. Elle ne pouvait se résoudre à une destinée qui aurait été tracée d’avance pour elle. Ambre voulait conserver son libre arbitre. Accepter cet héritage équivalait à s’y aliéner. Madeleine lui avait tout sacrifié à ce satané don. Ambre ne cèderait rien. Elle décida d’aller se coucher. Dans ses draps de satin noirs, elle eut du mal à trouver le sommeil. Des sons sourds la troublèrent. Elle n’était pas sans savoir que le vieux bois craquait dans ces vieilles demeures. Cependant, elle ne put s’empêcher de penser que l’on cherchait à lui délivrer un message. Mais qui ? L’âme de sa grand-mère, ou alors des puissances maléfiques ? Elle frissonna sous son édredon. Finalement, elle s’assoupit, mais alors qu’elle dormait profondément, elle fut réveillée en sursaut aux alentours de minuit par le bruit sec des volets qui craquèrent. Elle était pourtant certaine de les avoir correctement fermés. Au même moment, Bagherra, sagement assoupie à ses côtés, s’éveilla d’un seul coup, les poils hérissés, et souffla comme quand elle croisait le chat des voisins. Prise de panique, Ambre tremblait de tous ses membres, en proie à une terreur incontrôlable. Quelques minutes plus tard, tout redevint calme. La jeune femme enlaça la grosse chatte dans ses bras pour se réconforter et toutes deux finirent par se rendormir.

Bianca Bastiani Auteure.