À cet instant, deux femmes et trois nains pénétrèrent dans la caverne. Vêtus de longues robes noires, tous arboraient le chapeau conique des sages. Ils se prosternèrent devant Rosa et sa mère, déposant leurs offrandes ; des mets fins, de précieuses étoffes, des parfums rares et un grimoire. C’étaient les survivants du Peuple des Anciens. La plus âgée des femmes, Ashana, une fée puissante et respectée, prit la parole :
— Mes amis, nous avons fait un long chemin en cette nuit de Beltane pour rendre grâce à Rosa. Cette enfant, digne héritière de notre regrettée Aurore, sera dotée de pouvoirs exceptionnels. Une grande magicienne a vu le jour ! Elle est notre espoir à tous. Sa naissance nous emplit d’allégresse autant que notre cœur se serre pour la mort atroce et injuste de sa grand-mère. Nous avons pleuré longtemps depuis que les signes nous ont appris son décès. Vous l’ignorez sans doute, mais je suis l’aïeule d’Aurore. J’ai plus de deux cents ans, même si mon aspect n’en trahit qu’une centaine. L’heure est grave, mes amis. Le peuple a cessé de nous vénérer. On nous persécute et l’on nous brûle. Nos pouvoirs s’amoindrissent. Nous vieillissons alors que les fées étaient immortelles. Plus personne ne nous invoque ni ne croit en nous, en notre Déesse et en Cermunnos. Nous redevenons de simples mortels. Notre force, la force des fées et des enchanteurs, réside dans la foi que l’on nous porte. Nous mourrons. Le Peuple des Anciens n’est plus, hélas. Deux vieilles fées, une poignée de nains, quelques Bohémiens, un chevalier, une jeune mère et son bébé, voici tout ce qu’il reste de notre peuple. Bientôt, nous ne serons plus qu’une légende. Mais sachez que je place tous mes espoirs en cette enfant. Elle seule pourra sauver notre lignée. Protégez-la ! Chérissez-la et vénérez-la telle une Déesse ! À présent, je vais procéder à son baptême selon nos coutumes ancestrales.
Après ce long discours que toute l’assemblée avait écouté dans un silence respectueux, Ashana prit Rosa des mains de sa mère pour l’enrouler dans un linge brodé d’or et d’argent. L’enfant blottie contre sa poitrine, elle sortit de la grotte pour se diriger vers la source. Tous, sauf Lisa encore alitée, la suivirent. Le bébé demeura sage et nul pleur ne vint troubler la cérémonie. La fée s’agenouilla au bord de l’onde claire et très délicatement répandit l’eau sacrée sur le visage de la petite fille en prononçant des incantations magiques. Ensuite, elle détacha de son cou un médaillon d’or et d’ambre en forme de pentacle pour l’offrir à l’enfant. Le nourrisson sourit et sembla transfiguré, comme si une lumière émanait du plus profond de son être.
— Rosa, je te transmets le « Pentacle de Vénus ». Tu ne devras jamais t’en séparer. À ta mort, tu en feras présent à ta fille première née et ainsi de suite jusqu’à la fin des temps pour perpétuer notre lignée et nos croyances.
Bianca Bastiani Auteure
