La collection Uppercut.
À force de s’entendre dire, « il faudrait écrire un pamphlet sur le sujet », et bien on l’a fait. Et ce sont les événements sanitaires de l’hiver dernier qui ont précipité l’opération. Aujourd’hui, cette collection est devenue un des essentiels de la maison et nous assure une belle renommée dans le monde francophone comme dans le monde de l’édition.
En amont de ce triste épisode sanitaire et politique, la collection pamphlétaire marinait dans son jus, façon Rollmops en bocal. Elle restait bêtement stagnante sur l’étagère du frigidaire. Jean David Haddad y tenait particulièrement. Nous avions décidé du contenu et du contenant, voire du flacon, mais nous n’avions pas de nom, pas de calendrier et pas de charte graphique.
Et puis, tout comme pour Magnitudes ou Drôles de pages, j’avais mes exigences. Littéraires et fortes. Il ne s’agissait pas de publier des billets d’humeurs ou des coups de gueule sans rapport avec des faits de société majeurs. Et surtout écrits sans talent. Le pamphlet est un art. Une discipline littéraire particulière. Il nécessite de la vigueur, du courage, de connaître parfaitement son sujet et enfin : du cœur.
Globalement, dans la maison, nous étions d’accord sur ce principe.
Ensuite, c’était une garde partagée qui se dessinait. Jean David Haddad est inscrit tout comme moi sur le livret d’état civil de cet enfant turbulent. Si j’en suis le directeur de collection, Jean David s’est imposé pour les week-ends et la moitié des vacances scolaires. Et je crois qu’il lorgne aussi sur les jours fériés. Pour Noël, ce n’est pas gagné pour ma pomme. D’ailleurs, notre éditeur fait de magnifiques quatrièmes et préfaces et j’en serais presque jaloux. Donc vous l’aurez compris, cette collection est un enfant chéri. Aussi ouverte à nos directeurs de collection, comme Samuel, qui a fait venir le docteur Jean-Jacques Erbstein dans nos rangs, et par ricochet, Elsa Job-Pigeard, orthophoniste de renom engagé dans un combat quasi biblique.
Tout comme notre chère Cynthia en est la marraine, puisque lors du baptême civil, c’est elle qui a trouvé le nom du petit baigneur: Uppercut.
Un nom simple, direct, à gauche comme à droite entre crochets et qui annonce une belle mise en jambe.
La tribune est importante.
La dissidence est nécessaire.
La liberté n’est pas un acquis.
La plume est une arme.
Pour Jean David Haddad, comme pour moi, le fait de pouvoir écrire ce que l’on pense, de pouvoir publier ses opinions, de proposer, de dénoncer, de tenter d’améliorer les choses par la réflexion, de défendre des points de vues, d’informer et d’avertir, justifie l’invention du clavier et nous permet de ne pas balancer nos ordinateurs par la fenêtre et d’attenter à l’intégrité physique de tout informaticien que l’on croise.
Dans cette époque où les agitateurs, les subversifs, les dissidents, les poètes et les clowns sont muselés, dans cette époque où les minorités emmerdent copieusement le plus grand nombre, dans cette époque connectée où les enfants ont pour nourrice une tablette, où la jeunesse s’inquiète de son avenir, où la liberté subit attentat sur attentat, où soigner est un crime, où les uniformes s’octroient des pouvoirs qu’ils n’ont pas, où les gouvernements mériteraient un aller simple pour aller assaisonner des bretzels dans les mines de sel, où chaque citoyen devrait songer entreprendre une délocalisation de molaire des responsables qui s’attaquent à la république, le pamphlet est de l’oxygène pur.
Une respiration.
Du bon sens sur papier.
Un gilet par-balles pour la liberté.
Yoann Laurent-Rouault, agitateur et emmerdeur de nature, connard distingué et passionné.