L’ego de l’auteur ou l’accouchement difficile.

Écrire un livre, malgré ce que l’époque laisse croire, ce n’est pas à la portée de tout le monde. Et surtout de n’importe qui. C’est aussi une résultante. La résultante d’une culture maîtrisée comme d’une expertise dans un domaine choisi. C’est aussi avoir la capacité d’imaginer, de raconter et  de développer sur une thématique.

Ce qui n’est pas donné à tout le monde, encore une fois.

Pour écrire sur certains sujets, il faut aussi  le vécut qui va avec et il faut aussi avoir du courage. Du courage pour se livrer, pour se vendre et pour affronter la critique. Ou pire, l’ignorance du public. Mais dans ce dernier cas, si un livre ne marche pas, c’est toujours de la faute de l’éditeur et jamais de l’auteur, c’est bien connu, et  ce depuis Gutenberg.

Je reçois beaucoup de manuscrits, chaque semaine, et autant de propositions directs ou indirects, et je vais vous confesser ceci : très peu valent le coup de cidre et beaucoup valent le coup de pied au cul.

Certains livres sont tout de même publiés par la maison parce qu’ils répondent à un sujet demandé par le lectorat. Certains livres sont aussi publiés parce qu’ils se lisent vite, parce qu’ils ne se fâchent avec personne et surtout, parce que leurs auteurs sont à même d’en faire une promotion efficace. Car, quoi qu’on en dise, la maison d’édition ne fait plus aujourd’hui le succès d’un auteur.

J’ai eu,  en trois ans, le bonheur rare de sélectionner quelques textes vraiment remarquables et de les réunir dans une ou  deux collections  dites de  « prestige ». Mais dieu (et je n’y crois pas), qu’ils sont rares !

Et peu d’entre eux fonctionnent bien en termes de ventes. Leurs auteurs étant des gens qui sont la plupart du temps lunaires et peu sociables, ou qui sont bouffés par un ego démesuré puisqu’ils sont conscients de leurs talents : ça n’aide pas. Donc, à chaque fois, cela tourne à l’ignorance commune ou au conflit. Mais le texte est bon et reste bon. C’est tout ce qui compte. Balzac reconnaîtra les siens.

Vous allez me dire, il y en a aussi qui n’ont pas de talent, aucuns savoir-faire remarquables, et qui sont pourtant édités parce qu’ils répondent seulement à un sujet ou à une actualité, comme je l’écrivais plus tôt, et qui se prennent quand même pour Balzac… au minimum et tout en le critiquant. C’est vrai et c’est fréquent.

Comme, et c’est la grande majorité, il y a ce que j’appelle la classe « médium », c’est-à-dire des auteurs « dilettantes », doués, mais qui ne travaillent pas assez leurs textes et leurs connaissances du sujet. C’est d’ailleurs pour cette dernière catégorie que l’accouchement est le plus difficile, c’est eux qui parlent en majorité « de bébé », avec un adjectif possessif devant, pour qualifier leurs œuvres.

Dans tous les cas, il faut s’adapter. Ça sert d’os.  Que dire de plus, sinon que nous sommes dans une époque où on reprocherait presque à un directeur littéraire de justement faire « dans le littéraire »! Parce que justement la communication arborescente des réseaux sociaux ne s’embarrasse pas du littéraire. Parce que le nivellement par le bas et la pensée unique deviennent règles, et  parce qu’au final, sans communication, on ne publierait que pour le plaisir.

YLR