Monsieur Belmondo.

Il est des nouvelles qui font mal. Qui vous font marquer un arrêt. Qui vous empêche de continuer ce que vous êtes en train de faire. Des nouvelles qui tombent et qui vous conduiront à vous rappeler pendant des années, précisément où vous étiez au moment où elles  ont percuté votre cerveau et se sont imprimées dans votre conscience. Ce soir, après une journée bien remplie, à l’heure de l’apéritif, machinalement, j’ai allumé la télévision. Je suis tombé sur une chaîne d’info avec  un bandeau rouge en bas de l’écran qui portait cette phrase laconique : « l’acteur Jean Paul Belmondo est mort aujourd’hui, à l’âge de 88 ans. » Arrêt sur image. Flottement. Picotement dans les yeux.

Dans un de ces films, je ne sais plus lequel, et je n’ai pas la tête à en chercher le titre ce soir, mais c’était à ces débuts, le jeune Belmondo devait dire cette réplique :

– « Si vous n’aimez pas la vie, et bien, allez vous faire foutre ! »

Je crois qu’il n’avait pas besoin de  jouer la phrase. Car Belmondo incarnait ces personnes « qui ont pour passion l’amour de la vie ». Pas uniquement sur le grand écran. Il faisait partie de ces grandes stars qui ne mentent pas. Qui sont. Point final. Sa générosité envers son public, sa fougue, son humour et son humanisme ne trompaient pas. D’ailleurs, qui n’aimait pas Jean Paul Belmondo ?

Avec sa disparition, c’est un peu de mon enfance qui fout le camp… un peu de ma vie aussi. Belmondo, c’est les dimanches soirs en famille devant le poste, les rires partagés, c’est les cascades qui me ruinaient les fringues et que je faisais gamin en me prenant pour lui, c’était une gouaille, des mots, une classe, des images et un sourire inoubliable qui s’en vont  à partir de ce soir dans la case souvenir. Cette saloperie de case. Cette case dont on sait qu’il n’y aura plus jamais rien de nouveau qui s’y passera.

« Le magnifique ». C’est le qualificatif à son propos qui reviendra certainement le plus souvent dans les hommages. Et ce n’est que justice. Il l’était. Mais ce mot, qui ne sonne pas pour moi de la même façon quand il est prononcé par les politiques que par ses proches, ou que par le public à qui il a donné du bonheur pendant un demi-siècle, ce mot,  ne résume pas tout. Car pour moi, Belmondo, c’était aussi un ami.

Est-ce le bon mot, « ami » ? Car je n’avais pas la joie de  le connaître personnellement. Et pourtant, d’aussi loin que je me souvienne, ses films ont imprégné ma mémoire de gamin et plus tard ma vie d’homme. Le personnage  comme ses rôles ont influencé mes jugements, m’ont fait réfléchir…m’ont donné envie à moi aussi d’être « magnifique »… et un peu moins con…

Alors oui, c’était un ami. Un type qui fait un peu partie de la famille. Un oncle d’Amérique… Un gars que l’on « connaît » sans jamais l’avoir rencontré. C’était cela Bébel, et pas que pour ma pomme, pour des millions de gens aussi, je crois.

Adieu, Monsieur Belmondo, et merci infiniment…

Yoann Laurent-Rouault