Sur la littérature érotique ! Par Y. Laurent-Rouault.

Je n’ai rien contre l’érotisme en littérature, ni même rien quand la chose devient pornographique, les sonorités en ie , en ute en ouille ne m’écorchent pas davantage les oreilles que lorsqu’on emploie le mot cramouille à la place de ce que nos ancêtres appelaient joyeusement  un con.
A parler vrai, il n’y a pas grand-chose qui me pique les yeux, (je suis un hétérosexuel convaincu), sinon, que celles et ceux qui écrivent sur le sujet ont en général tendance à croire qu’ils ont inventé la poudre. La roue et le fil à couper le beurre et ceci dans la même soirée. Et le string au petit matin suivant. Loin de moi l’idée que, lorsque je joue à la bête à deux dos, j’innove de quelques façons que ce soit, et que ipso facto ou recto verso, selon, je vais tartiner quelques feuillets sur le sujet. Contrairement au premier littérateur venu ou à la première auteure qui veut faire dans la grise nuance sur le sujet. D’autres ont testé tout cela avant moi, la preuve, je suis né et vous aussi.

Le vocabulaire érotique peut supporter bien des mots, mais j’insiste sur un point fondamental, essentiel et imparable : il ne supporte pas les maux.
Mesdames, mesdemoiselles, Messieurs, je m’explique : une situation érotique, qui peut engendrer une pornographie littéraire de par sa description, de par le choix du vocabulaire, ne doit absolument pas être gratuite et se doit de servir l’histoire, mais aussi, et c’est capital, les personnages. Sans parler du lecteur. Et si ledit lecteur pose son livre après la lecture d’un passage « chaud » , ce n’est pas forcement pour faire ce que vous croyez, bande de libidineux scribouillards, cela peut-être tout simplement parce qu’il va assouvir un des nos autres besoins naturels. Comme d’aller s’enfiler un cognac, qu’il se carre immédiatement derrière la glotte, Onan m’en est témoin !
Vous comprenez la nuance ?
Non ?
Bon !
Continuons alors.
Un personnage de roman à la vie sexuelle débridée est de par le fait, la garantie pour le lecteur de ne pas trop s’ennuyer dans les descriptions de plans de cuisines, de granges et de douches, de banquettes arrières et de salles de cinémas que certains auteurs affectionnent très particulièrement. Sans parler de ceux qui se lancent gaiement dans des descriptions aviatico-vaisseliéres mêlant tout à la fois vase, assiettes, looping et écuelles. Ou animalière, par associations d’idée avec la longe et le collier et ladite écuelle. D’ailleurs, en ce cas, vétérinairement parlant, le mot croupe remplace facilement le mot cul, plus vulgaire selon les puristes du genre, que je m’éreinte (comme direz une gagneuse du quai de la fosse que j’affectionne) à vous décrire. Ce mot donc, trouve alors ses échos dans un fesse-tival d’improvisation : miche, fion (rien à voir avec Céline), joufflu (rien à voir avec notre ancien président), postérieur (terrible quand il a de petites taches de rousseur et très prisé à Rocamadour), boul, pétard, pot, derche, valseur, cyclope, baril à moutarde et j’en passe et des meilleurs, car alignés ces synonymes pourraient faire le tour du globe et peut-être même un terre-lune. Et ne parlons pas des services trois pièces, des papillons sénégalais et d’autres termes dont Maitre Perret nous régala jadis dans une chanson, sur l’appareil masculin, Ogué, ogué ! Pour le beau sexe, les synonymes sont aussi légions, et curieusement souvent gastronomiques dans leur répertoire : moule, pistache, kounounou, figue, conque, bulot, bonbonnières… Il y a aussi quelques appellations commerçantes et financières d’origines contrôlées ; fente, tirelire, boutique, boite à nougats… D’autres sont plus champêtres ; motte, touffe, gazon…

Là aussi, il faudrait songer à éditer un dictionnaire. Mon expression favorite restant : la balançoire à Mickey.

Bref, amies auteures, amis auteurs, en plus de la mise en situation essentiel de vos scènes de culs, pardon, de vos passages érotiques, n’oubliez pas d’adapter vos dialogues et de vous assurer, que cette mise en scène serve à la fois l’histoire, le propos, la psychologie du personnage et le lecteur. Le sexe n’est pas gratuit, la preuve, j’en connais qui paye ! Et c’est le même principe en littérature. Le lecteur ne s’y trompe pas ! Les catéchumènes non plus ! Les censeurs encore moins.
Mais, à la relecture de mon article, je m’aperçois que j’ai soulevé un point important, qui est celui du dialogue dans une scène de cul, pardon, décidément, dans une scène érotique. Si votre héroïne est une mère de famille perdue dans ses sentiments, en période de doutes, victime des hommes et un tantinet nymphomane, donnez-lui donc un vocabulaire adapté à son milieu. Imaginez une bourgeoise de Neuilly qui dirait en plein ébat dans vos pages :
– Yo ? zyva, bouffon, casse moi le boul, viens te chocolater le kinder, fils de iench !
Vous êtes d’accord, ca ne vas pas. Pas plus que si le même personnage disait :
– Mon ami, puisque mon séant vous inspire, venez donc vous y introduire sans délicatesse, petit fripon.

Lourd, hein ?

Alors, avant de bramer comme des cerfs en périodes de ruts, avant de charger comme des gnous dans la savane quand je refuse un manuscrit érotique, pensez donc à tout ceci, et lisez plutôt Colette, Pauline Réage, Georges Sand, Musset, Vian, Miller, et bien d’autres, inspirez-vous et lâchez moi le mail avec vos 50 nuances revisitées, je ne tiens pas un Donjon, mais des collections littéraires, sans blague !

Yoann Laurent-Rouault, directeur des collections littéraires de JDH éditions.