Un texte ouvert aux jeunes esprits…

 

Voici en avant première, un extrait de la préface concernant Le contrat social de Jean-Jacques Rousseau, que vous retrouverez dans la collections des Atemporels très prochainement.

Lycéen du siècle dernier, c’est à l’ombre des pins baulois, assis sur le sable, que j’ai découvert un après-midi de printemps, cet écrit de Jean-Jacques Rousseau. Ce que j’avais retenu de ce texte, en première lecture, préface comprise, c’est qu’il était un des écrits fondateurs de la Révolution française et donc de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (Rousseau fut proposé par Talleyrand lors de sa rédaction en son article 6, sur légalité devant la loi). Et qu’il avait aussi influencé James Madison,  l’un des principaux inspirateurs de la constitution américaine, qui était un  de ses admirateurs et de sa théorie du Contrat social. La constitution des États-Unis d’Amérique fut publiée en 1788. Soit un an avant la Révolution française. Le texte de Rousseau avait eu plus d’une vingtaine d’années pour circuler de salon en salon et entretenir la polémique entre politiques et gens de lettres,  philosophes et académies comprises. Mais ce qui me frappait, c’était que les deux anecdotes mises bout à bout faisaient que le monde comme  je le connaissais, était en partie lié à la pensée de Jean-Jacques Rousseau.

Alors, comment passer décemment à côté de ce texte ?

Comment ne pas essayer d’en savoir plus ?

Comme, je le reconnaissais déjà à cette époque, cette société dans laquelle je grandissais était aussi liée à la pensée  d’Auguste Caron de Beaumarchais (qui entretenait une correspondance avec Benjamin Franklin et qui a soutenu la révolution américaine au point de devenir marchand d’armes),  qui écrivit aussi avec Figaro, ce que Napoléon Bonaparte  lui-même qualifia alors  de « révolution en action » et le terrible Danton « d’assassinat de la noblesse ».

Ou liée aussi aux idées de Denis Diderot ou d’Alembert qui avaient joué au chat et à la souris avec la papauté pour diffuser et imprimer leurs fameuses encyclopédies, « qui opposaient le savoir à la croyance religieuse comme au divin ».

Moi, qui était pourtant plus sensible à Voltaire qu’à Rousseau (j’avais particulièrement aimé Candide), moi qui étais un amoureux de Beaumarchais (et La folle Journée ou le mariage de Figaro ne se joua en première représentation officielle  qu’au printemps 1784, après plusieurs années de censure), et moi que l’Émile et  les trois tomes Des confessions de l’auteur avaient refroidis considérablement, je devais bien me rendre à l’évidence : Rousseau comptait tout autant qu’eux, et ce, dès l’année 1762.

Ce qui le plaçait même en tête de peloton, puisque lui avait achevé « son contrat » dix ans avant que Diderot et d’Alembert ne termine leur œuvre. (L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers fut éditée de 1751 à 1772 sous la direction de Denis Diderot et de Jean Le Rond D’Alembert.) Figaro quant à lui, ne naîtra qu’en 1778… mais quelle naissance !

J’ai donc à l’époque, étudié ce texte en cours de philosophie. Au chapitre de la philosophie politique. Curieusement associé au chapitre des libertés. Notre professeur n’était pas investi sur le texte. Nous le survolions. Au motif du programme et de son calendrier.

J’avais déjà quelques réserves sur les méthodes d’apprentissages que préconisait l’éducation nationale*. Mais, passant cela, je me suis intéressé plus particulièrement à ce texte… et hors du champ scolaire. Ce qui m’a d’ailleurs permis d’aborder d’autres auteurs « plus politiques » et de ne jamais m’inscrire dans un mouvement d’idées en particulier. De ne me retrouver dans aucune cause et d’avoir toujours à l’esprit de contrarier « les messages » comme les processions de foi.

Cette lecture, et les recherches qui s’y sont associées m’ont donné une autre idée de Rousseau. Un thème  en particulier avait marqué mon jeune esprit, sur la base d’une idée qui était le principe de souveraineté du peuple appuyé sur les notions de liberté, d’égalité, et de « volonté générale ».

Indubitablement, il y avait une liberté et une générosité dans cette formulation, qui me ramenait bien évidemment dans les jupes de Marianne et au fronton de la mairie de ma ville où étaient inscrits en lettres d’or les mots : liberté, égalité, fraternité.

Que je regardais par le passé sans bien y réfléchir.

Et que je préférai et de loin à la formulation de l’an quarante qui disait : «travail, famille, patrie », autre sujet  que nous étudions alors parallèlement en cours d’histoire, à une époque ou le Maréchal Pétain était surtout et avant tout présenté en héros de la Der des ders avant d’être le chef de l’état français collaborationniste que nous connaissons.

Et cette liberté dans la formule, pour en revenir à notre devise républicaine, plaisait à mon « esprit frondeur » et « rebelle », comme on le qualifiait alors sur mon livret scolaire. Le principe de l’égalité plaisait aussi à l’élève boursier perdu en terres bourgeoises que j’étais. Sensible à l’égalité des chances. Quant à la fraternité, à 17 ans, elle était, et est normalement, une évidence, au temps béni de l’amitié et des premiers amours et de la découverte du monde.

*NDLR  : Du même auteur, dans la collection pamphlétaire Uppercut, chez JDH éditions, « Tu n’iras pas à l’école mon fils de Yoann Laurent-Rouault. »

YLR.